Algérie – Probables répercussions de la crise de l’euro sur l’Algérie
La crise de l’euro risque de faire des victimes bien au-delà du vieux continent. Selon le ministre algérien des finances, Karim Djoudi, l’Algérie peut faire les frais de la tempête grecque dans la mesure où elle dépend entièrement des hydrocarbures.
L’analyse de Karim Djoudi est simple : la baisse constance de la croissance de l’économie mondiale affectera irrémédiablement la demande mondiale en hydrocarbures qui sera suivie d’une baisse des cours du prix du pétrole déjà assez instables.
Dépenses de fonctionnement en hausse
Les revenus en devises de l’Algérie s’effondreront et son économie, basée essentiellement sur les hydrocarbures, sera mise à genou. « Nous savons pertinemment que tant que notre économie ne s’est pas transformée en termes de structure de revenus externes en celle de revenus internes, nous tomberons constamment sous l’effet des crises et chocs extérieurs. Outre le risque de baisse des recettes des hydrocarbures, l’autre inquiétude vient de l’absence d’alternative forte à substituer à l’énergie fossile », expliquait-il hier mercredi en marge d’une séance de l’Assemblée nationale consacrée à l’adoption de la loi de finances 2012.
Ne voulant pas trop dramatiser la situation, le ministre a assuré que « la conséquence sera amortie par le fait que le prix de référence sur lequel est basée la loi de finances est de 37 dollars et qu’on a constitué un fonds de régulation des recettes ».
Fort de cet argument, l’argentier du pays préconise la rationalisation des dépenses publiques. Il a d’ailleurs vivement déploré que les dépenses de fonctionnement, actuellement de l’ordre de 4 000 milliards de dinars dont 60% sont absorbées par les salaires, n’ont pas cessé d’accroître. Aussi, il a tiré à boulets rouges sur certains députés qui demandent de revoir à la hausse les allocations des retraités et des chômeurs.
Un écho aux estimations du FMI
Cette sortie du ministre algérien des finances sonne comme une réponse favorable au Fonds monétaire international (FMI). En effet, ce dernier estimait à la mi-octobre que l’Algérie devait rationaliser les dépenses publiques qui ont connu en 2011 une hausse de 34%.
L’institution présidée par Christine Lagarde n’a pas caché son inquiétude vis-à-vis de l’augmentation des dépenses de fonctionnement et des hausses de salaires décidées par les autorités algériennes depuis le début de l’année et qui risquent de provoquer une poussée inflationniste. Surtout que la détérioration de l’environnement économique international pourrait entraîner une baisse prolongée du prix du pétrole, ce qui affecterait fortement les équilibres budgétaires de l’Algérie.
Une « hérésie » économique
Ahmed Benbitour, ancien chef de gouvernement qui a versé dans l’opposition, a lui aussi tiré la sonnette d’alarme sur cette « hérésie » économique. Connu pour sa maîtrise de la chose économique, Ahmed Benbitour a jugé, mercredi 2 novembre lors d’une conférence-débat animée à Alger, que le choix d’un prix référentiel du baril de pétrole à 37 dollars était « très dangereux » pour le pays.
« Si demain les cours du pétrole chutent, pas un seul dinar ne sera alors investi dans les projets de développement », prévient-il. Autre énormité qui l’a fait sortir de ses gonds : les recettes ordinaires ne couvrent que 41% du budget de fonctionnement de l’État.
L’autre opposant à s’insurger contre la folie dépensière des autorités algériennes pour s’acheter la paix sociale, c’est Saïd Sadi qui, dans une intervention au conseil national de son parti (RCD) tenu le 12 octobre, a accusé le pouvoir de Bouteflika de mener une politique de contre-développement.
« Ce sont 39 milliards de dollars qui ont été dépensés sans programmation ni contrôle, en six mois », a-t-il dénoncé non sans alerter sur une baisse de la demande énergétique avec le ralentissement que connait actuellement l’économie mondiale. « Les principaux centres d’études stratégiques annoncent un effondrement des cours du pétrole à court et moyen terme », expliquait-il.
C’est dire que la perspective de l’effondrement des cours du pétrole est loin d’être une vue de l’esprit mais une menace bien réelle.
Yacine Ouchikh