Maroc. Travailler ou mourir

 Maroc. Travailler ou mourir

De jeunes diplômés chômeurs ont investi l’annexe du ministère de l’Education nationale

Une nouvelle faction de diplômés chômeurs a investi les locaux du ministère de l’Education nationale, menaçant de s’immoler par le feu s’ils ne bénéficient pas d’un accord signé sous le précédent Exécutif. Une « patate chaude » dont se serait bien passé Abdelilah Benkirane.

 

Les diplômés chômeurs montent au créneau. Une fois de plus serait-on tenté de dire, tant les Marocains sont habitués à les voir manifester depuis des années devant le Parlement. Toutefois, la tension est montée d’un cran la semaine dernière.

Des jeunes ont en effet investi l’annexe du ministère de l’Education nationale, menaçant de s’immoler par le feu s’ils n’étaient pas intégrés dans la fonction publique.

Titulaires de masters et de doctorat, ceux qui s’appellent « le groupe des cadres supérieurs exclus du PV du 20 juillet 2011 » s’insurgent contre ce qu’ils considèrent une « magouille » de plus de la part de l’ancien gouvernement dirigé par Abbas El Fassi.

Bref rappel des faits. En juillet dernier donc, le gouvernement El Fassi s’engage à recruter directement près de 4 000 diplômés chômeurs en 2012. Un accord est signé avec les représentants des quatre coordinations de diplômés. Seulement voilà, le PV fait état d’une clause particulière : seuls ceux ayant obtenu leur diplôme en 2010 ou avant seront intégrés dans la fonction publique.

Exclus de fait, les diplômés 2011 estiment avoir été trahis par leurs propres représentants. Pour ne rien arranger, les « exclus » affirment que certains diplômés 2011 ont bel et bien profité de cet accord.  

«  Nous y voyons l’expression la plus pure du clientélisme. C’est pourquoi nous comptons camper sur nos positions jusqu’à avoir gain de cause : travailler dans la fonction publique ou mourir », menace ce diplômé.

 

« Dictature de la médiocrité » ?

La résorption du chômage a constitué l’un des grands thèmes de la campagne électorale de l’actuel chef de gouvernement. Sur la question des diplômés, Benkirane a cependant été très clair : « il est impossible d’insérer l’ensemble des diplômés chômeurs dans la fonction publique. Les recrutements se feront avant tout sur la base des besoins de l’Administration et des compétences des candidats », promettant toutefois de leur trouver une solution, sous forme d’auto-emploi ou de recrutements dans le privé.

Un discours que refusent catégoriquement les diplômés, qui estiment que leur recrutement dans la fonction publique est un droit inaliénable. S’ils bénéficient d’un capital sympathie certain auprès de la population marocaine, la crédibilité de ces diplômés a en revanche pris un sérieux coup dans l’aile.

Leur obstination à intégrer l’Administration est en effet de plus en plus perçue comme synonyme d’incompétence et de fainéantise. Sans tomber dans les clichés, il faut reconnaître qu’une grande partie d’entre eux ne possède pas de compétences concrètes qui lui permettraient d’être valorisée sur le marché du travail.

« Le pays n’a pas besoin de docteurs en philosophie ou en poésie antéislamique », martèlent les chefs d’entreprise. « C’est la dictature de la médiocrité », renchérit un autre. Ce à quoi les diplômés répondent que « l’Etat leur a permis de faire ces études et qu’il doit assumer ses responsabilités ».

Un dossier épineux dont se serait bien passé Benkirane. L’actuel chef de gouvernement leur a rendu visite dès le premier jour de l’occupation du ministère de l’Education nationale, dans une tentative infructueuse de désamorcer la situation.

Ces « diplômés-squatteurs », au nombre de 180, ne constituent toutefois qu’une infime partie du problème. Les projections faisant état de 98 000 jeunes diplômés à intégrer dans le marché du travail dans les quelques années à venir…

Zakaria Boulahya