Algérie. L’hallali sonne pour Ouyahia

 Algérie. L’hallali sonne pour Ouyahia

Faisant fi de la levée de boucliers qui s’organise contre lui

Les rangs de ceux qui revendiquent un changement de gouvernement à la veille des élections législatives grossissent à vue d’œil, ciblant implacablement le Premier ministre Ahmed Ouyahia et mettant ainsi un surcroît de pression sur le président Bouteflika.

 

La pasionaria du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, vient de joindre sa voix à ceux qui exigent la tête d’Ahmed Ouyahia et qui demandent à ce qu’il soit remplacé par une personnalité neutre.

« Pour éviter toute tentative de fraude, le président de la République doit installer un gouvernement non partisan chargé de préparer les élections », a soutenu Hanoune dans un entretien accordé mardi à l’agence officielle APS.

« Ce ne sont pas les observateurs étrangers qui garantiront la transparence des scrutins, mais plutôt le gouvernement qui, non seulement veillera à ces élections, mais devra également préserver la nation », a-t-elle ajouté.

L’alignement du parti de Louisa Hanoune avec les pourfendeurs du patron du RND pose des questions. Jusqu’ici, le PT a fait presque cause commune avec Ahmed Ouyahia qui essuyait pourtant des coups de toutes parts, y compris du secrétaire général du Front de libération national Abdelaziz Belkhadem.

La dot de ce mariage de raison entre Hanoune et Ouyahia avait été le recadrage « nationaliste » imposé par celui-ci en 2008 à l’orientation économique du pays. Question : a-t-on forcé la main au porte-parole du PT pour rompre les amarres avec l’actuel Premier ministre ? Possible.

En plus de ce soudain lâchage d’Ahmed Ouyahia, Louisa Hanoune s’est imposé une autre volte-face. Après quelques attaques très féroces contre les islamistes, Hanoune a mis de l’eau dans son vin en assurant n’avoir aucun problème avec eux.

« Nous n’avons pas de problème avec le courant islamiste », a-t-elle lâché avant de prêcher la cause des militants de l’ex-FIS, interdits de toute activité politique.

« Nous sommes pour les libertés au bénéfice de tout le monde. Pour nous, la paix ne sera véritable et durable que lorsqu’il n’y aura plus aucune exclusion, et c’est à ce moment-là qu’on pourra tourner définitivement la page de la tragédie nationale », a-t-elle martelé.

Deux virevoltes en très peu de temps ne peuvent être objectivement le fruit du hasard. Cela étant, Louisa Hanoune n’est pas la seule à demander le départ d’Ahmed Ouyahia.

 

Ouyahia, le mouton noir des islamistes

Alléchés par les victoires électorales de leurs congénères tunisiens, marocains et égyptiens, les islamistes de tous bords multiplient les appels au chef de l’Etat pour mettre en place un nouveau gouvernement en vue de gérer les prochaines échéances électorales.

Le premier d’entre eux à ouvrir les hostilités a été le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP), Aboudjerra Soltani, qui, depuis l’été dernier, n’a pas cessé de revendiquer la nomination d’un gouvernement de technocrates.

Dans le feu de la polémique déclenchée par les déclarations hostiles d’Ouyahia à l’égard du Premier ministre turc Erdogan, le président du MSP est revenu à la charge en soutenant, le 8 janvier, que « depuis les échéances électorales de 1997, c’est toujours le parti du Premier ministre ou du chef de gouvernement en place qui remporte les élections législatives ».

« Les Algériens, par nature et par culture électoraliste, voire par pragmatisme, votent toujours pour celui qui détient les rênes du gouvernement et ce, pour éviter un étouffement financier », a-t-il expliqué.

Mouton noir des islamistes, l’actuel Premier ministre a essuyé un autre tir nourri de la part du secrétaire général du parti Ennahda, Fethi Rebiai, qui juge l’Exécutif mené par Ahmed Ouyahia comme « incapable d’assurer des élections libres et régulières ». Par conséquent, il doit être remplacé par « un gouvernement élu émanant de l’autorité populaire et avec pour seule source de référence l’islam ».

 

Une levée de boucliers orchestrée par la présidence ?

Une précision : tout ce beau monde qui revendique aujourd’hui à cor et à cri la tête d’Ahmed Ouyahia n’a fait que rejoindre le train en marche. Les droits d’auteur de cette revendication reviennent à Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du Front de libération national (FLN), qui, au nom d’une certaine logique politique -son parti est majoritaire au Parlement-, a toujours exigé le poste de Premier ministre.

Aujourd’hui que sa vieille requête trouve de nouveaux défenseurs, le FLN affiche, paradoxalement, profil bas. Ses problèmes internes expliquent-ils à eux seuls cette distanciation ? Difficile d’y répondre.

Faisant fi de cette levée de boucliers, Ahmed Ouyahia a assuré début janvier qu’il ne démissionnera pas et qu’il appartient au seul président de la République de décider du sort du gouvernement.

Cependant, qui dit que cette agitation n’est pas orchestrée par la Présidence ? Il est de notoriété publique que le chef de l’Etat ne porte pas du tout dans son cœur Ahmed Ouyahia considéré, à tort ou à raison, comme un homme des militaires.

En plus, sa présence au gouvernement pourrait bien contrecarrer les plans des uns et des autres, au point d’en faire l’homme à abattre pour tout le monde. Voilà pourquoi on sonne aujourd’hui le hallali pour lui.

Yacine Ouchikh