Exclusif. Tunisie : Du rififi au PDP France
Le grand public l’ignore souvent, mais derrière l’apprentissage de la démocratie au sein des institutions renaissantes de la jeune démocratie tunisienne, se jouent d’âpres luttes d’influence dans les cuisines internes des partis politiques. Des militants de la section France du PDP nous révèlent en exclusivité les tenants de la crise qui touche actuellement leur parti dans l’une de ses sections clé.
Les luttes fratricides pour le pouvoir, cet aspect parmi les moins reluisants de la politique, coûte déjà cher à un autre parti social-démocrate, Ettakatol, dont les cadres et militants démissionnaires tiennent aujourd’hui jeudi une conférence à Tunis pour fustiger ce qu’ils estiment être le fonctionnement vertical et autoritaire de la hiérarchie du parti.
Le PDP n’est en réalité pas en reste, même si son linge sale se lave jusqu’ici en famille. Cependant, si nos sources au PDP France se manifestent aujourd’hui, c’est que certaines pratiques ne passent plus auprès de la base.
L’actualité, c’est la genèse du nouveau parti du centretunisien qui regroupe notamment le PDP et Afek Tounes. Son congrès se déroulera du 19 au 21 mars prochain. Mais, déjà, les cadres fondateurs des anciens partis tels que les frères Chebbi, qui ne sont pas certains d’être maintenus (du moins les deux en même temps) dans la direction du nouveau parti, manœuvreraient en coulisses, pour forcer le destin.
« Concrètement, il s’agit de pousser à tout prix les fédérations PDP à voter pour eux lors de ce congrès », nous confie un militant.
Ces manœuvres vont surtout concerner les fédérations considérées indépendantes, celles n’ayant pas exprimé un ralliement derrière tel ou tel courant. C’est le cas de la Fédération France 1 (Paris Île-de-France surtout), composée d’une section avec plus 80 militants actifs en plus de 200 autres présents périodiquement dans diverses manifestations.
Makhloufi, figure controversée
Pour éviter un vote indépendant ou non rallié à Ahmed Néjib Chebbi, celui-ci aurait selon nos sources récemment envoyé, en service commandé à Paris, un de ses bras droits, Sofiène Makhloufi, une personnalité de l’ombre utilisée à souhait pour les certaines besognes.
Cette personne était venue pour désigner, sans consulter les militants, les 5 représentants de la fédération France 1. Au mépris de l’assemblée qui avait planifié d’organiser des primaires pour le 1er mars prochain, ouvertes à tous les militants PDP de la moitié nord de la France et en présence de la société civile.
« Makhloufi et derrière lui Chebbi, craignent que ce type de vote transparent ne fasse émerger des Grands Électeurs à l’esprit libre et non maitrisable. Ils décident donc unilatéralement de fixer la date de désignation des congressistes au mardi 14 Février, 3 semaines avant le reste des fédérations », déplore le même militant.
« Les militants PDP France, dont les effectifs ne cessent de s’agrandir avec de nouveaux militants de tous horizons sociaux, ne digèrent pas cette démarche despotique des anciens cadres du parti », renchérit-il.
Maya Jribi, secrétaire générale du parti, avait été sollicitée pour arbitrer, mais en raison de sérieux soucis familiaux, elle restait injoignable.
Maya Jribi, en sauveuse providentielle
Nos contacts nous apprennent aujourd’hui que Maya Jribi a repris le dossier en main la veille. Elle a exigé que « la démarche individuelle de la personne venue de Tunis soit invalidée ».
Elle a requis en outre que les représentants des fédérations soient élus par le vote des militants inscrits depuis 2011 (y compris ceux qui ont claqué la porte), lors d’une assemblée générale plénière par fédération. Elle a désigné 4 membres du bureau central pour superviser les votes sur France Nord le 4 mars prochain.
Elle a aussi transmis un planning pour le reste des fédérations et désigné à chaque fois des quatuors pour gérer ces élections locales.
« C’est une vraie victoire pour nous Tunisiens de l’étranger », se félicite la même source. « Une nouvelle étape dans la maturité du camp démocrate et la construction de ce nouveau parti », se réjouit-il.
Maya Jribi considère qu’il est indispensable de laisser les élections ouvertes à tous ceux qui ont cru, même un temps, aux valeurs du parti, et qui y ont adhéré après le 14 janvier.
Ce qui a frappé les militants en l’occurrence, c’est que Maya Jribi, d’ordinaire si consensuelle, a décidé cette fois de gérer ces élections cruciales pour le parti avec poigne et détermination. « Elle a agi en vraie Angela Merkel », nous apprend-on, ce qui interpelle ceux qui la considéraient comme la « mère » bienveillante du parti.
C’est sans doute à cela qu’on reconnait ceux qui ont l’étoffe des leaders, et Maya Jribi semble plus que jamais endosser son rôle de véritable numéro 1 du parti, en n’hésitant pas à s’affirmer comme chef de file de la nouvelle opposition.
Seif Soudani