France. ACLEFEU réussit à se faire entendre
Après trois jours d’occupation, le collectif a gagné la bataille médiatique. Le « ministère de la crise des banlieues » a fait parler de lui en créant le buzz. Insuffisant toutefois pour ses membres qui attendaient davantage des partis politiques.
On attendait Mélenchon, Sarkozy ou même Marine Le Pen, c’est finalement Éva Joly, la candidate d’Europe Écologie les Verts qui fut la dernière et la seule à faire le déplacement hier jeudi.
Accompagnée de la sénatrice Esther Benbassa et l’eurodéputée Karima Delli, Éva Joly a finalement accepté l’invitation. Attendue la veille, elle s’était fait porter pâle. Une heure après, elle se retrouvait sur un plateau de télévision, en pleine forme. La pilule avait un peu de mal à passer pour le collectif.
À son arrivée, Mohamed Mechmache, président d’ACLEFEU ne s’est pas privé pour envoyer un petit tacle à la candidate. « On est un peu oubliés. Dans votre programme, on n’a pas beaucoup entendu parler des quartiers populaires ». Eva Joly se défend et l’assure : «Je n’ai jamais arrêté de parler de la justice territoriale, l’écologie, c’est pour tous, pas seulement pour les riches ».
Ester Benbassa a été enseignante, alors la problématique de ces quartiers, elle connaît bien : « On me disait : « tu vas envoyer Mohamed en tourneur et Aïcha en coiffure ». Le problème vient du lieu même de la formation des élites qui est l’école. Elle n’est pas égalitaire ». Mohamed Mechmache préfère couper court : « le constat on l’a tous fait. Maintenant comment on fait ? Si c’est pour nous faire de la démagogie, écouter nos doléances et les mettre dans des tiroirs… ».
La conversation ne durera pas beaucoup plus longtemps. Éva Joly reprend ses affaires et promet de venir discuter avec le collectif avant son tour de France qui doit débuter le 16 mars.
Autain mais pas Mélenchon
Elle était la première à être venue ce matin. Clémentine Autain représentait le Front de gauche mais sans son candidat, toujours entre la Corse et le Continent selon elle. Une position qui n’a pas manqué d’énerver les membres d’ACLEFEU : « Nous avons lancé un appel aux candidats, pas aux porte-paroles, je crois que c’était clair », s’emporte un jeune homme.
Malgré la déception de ne pas voir M. Mélenchon en personne effectuer le déplacement, tous les membres du collectif ont pris le temps de discuter quasiment une heure avec Clémentine Autain.
« Le front de gauche est le parti qui colle le plus avec votre discours. Vos propositions, je fais les mêmes dans mon livre », assure-t-elle. Axiom, rappeur et membre du collectif lui rétorque que le parti n’est « pas clair sur sa volonté de faire changer les choses pour les quartiers populaires ».
Sécurité, logements, emploi, égalité homme/femme, tout est passé au crible avant que les deux parties ne se quittent et se donnent rendez-vous pour un prochain débat avec le candidat du Front de gauche.
Une réussite mais…
L’impact médiatique a presque dépassé les espérances. Parti de rien et avec peu de moyens, le collectif de bénévoles mélangeant les générations a réussi le tour de force de se faire entendre.
« La venue de François Hollande a permis de créer le buzz, et en plus, hier, lors d’un meeting, il a évoqué cette question des quartiers populaires. Pour nous, c’est une réussite », se félicite un membre du collectif.
Mais tous les candidats n’ont pas répondu à l’appel. Si le favori socialiste a rameuté les médias, rien n’est encore gagné pour ce collectif d’indomptables. « On sait bien que rien n’est fait. Les promesses, on entend que ça, on veut des actes », souligne Fatima Hani, secrétaire générale d’ACLEFEU. Fatima s’est dit « déçue que les politiques, en désaccord avec nos analyses, ne viennent pas » mais pour elle, cette absence est déjà « une réponse en soi ».
Le collectif va quitter Paris et son quartier du marais pour reprendre la route avec son tour de France qui va débuter le 16 mars prochain. Pas question de baisser la tête, ACLEFEU veut aller jusqu’au bout : « Nous n’allons rien lâcher, des actions coup de poing, nous en avons d’autres », s’exclame Fatima avant de lâcher : « le jour où notre collectif n’existera plus, c’est qu’on aura réussi à faire changer les choses ».
Jonathan Ardines