France. La météorite martienne Tissint passionne les chercheurs

 France. La météorite martienne Tissint passionne les chercheurs

Des débris de la météorite martienne Tissint ont été récupérés en octobre dernier dans le sud marocain


Découverte en octobre 2011, non loin de la ville de Tata dans le sud du Maroc, Tissint va sans doute nous apprendre beaucoup sur l’histoire et la chimie de la planète mars. Une excellente collaboration entre les chercheurs français et marocains s’est mise en place pour pouvoir être les premiers à publier les résultats.




 


Qui va révéler en premier les secrets de la météorite martienne ? Depuis que des débris encore frais ont été récupérés en octobre dernier dans le sud marocain, la course est lancée pour être les premiers à établir une publication.


« C’est important de pouvoir publier le premier. Dans le monde scientifique, vous ne pourrez pas publier votre travail si vous n’apportez rien de nouveau. Si quelqu’un le fait avant vous, votre travail sera perdu », nous explique Jean-Alix Barrat qui travaille sur l’échantillon à l’université de Brest (Bretagne).


En France, plusieurs laboratoires se sont associés pour avancer encore plus vite. Chacun apporte ses compétences. Jean Alix Barrat travaille en collaboration avec Albert Jambon à Paris et Hasnaa Chennaoui Aoudjehane à Casablanca sur la géochimie, la pétrologie et la minéralogie de la pierre.


À Nancy, une équipe dirigée par Bernard Marty cherche la trace des isotopes de l’atmosphère de Mars qui ont été piégés lors de son éjection. Enfin à Marseille, Pierre Rochette analyse la roche pour pouvoir dater la disparition du champ magnétique de Mars.


« Il ne s’agit que de la cinquième chute de roche martienne observée », rappelle Brigitte Zanda qui coordonne le travail dans l’hexagone depuis le muséum d’histoire naturelle de Paris.


 


Un business utile


« Nous remercions Luc Labenne qui nous a donné un petit morceau de 1,86 gr, c’est très généreux », précise Brigitte Zanda. Un vrai coup de pouce pour les chercheurs français qui n’ont pas les moyens de s’acheter un morceau de cette météorite.


« Tissint s’est vendu entre 400 et 700 euros le gramme », déclare Luc Labenne, chasseur de météorites. Depuis 1996, cet ancien médecin français parcourt le monde à la recherche de météorites. Une passion qui l’anime depuis des années et qui lui permet d’en vivre : « J’ai des clients réguliers, souvent des collectionneurs passionnés d’astronomie », dit-il.


En décembre dernier, il reçoit la photo d’un échantillon de Tissint par mail. « J’ai tout de suite su que c’était martien ». Il se rend alors sur place, négocie avec les intermédiaires et achète un peu moins d’un kilo. « Elle est tombée dans l’endroit du Maroc où les gens connaissent le mieux les météorites, pas loin de la ville de Tata ». Très vite il décide d’en céder un petit morceau au muséum à Paris car « j’ai envie qu’en France, il y ait des choses de faites ».


L’impact économique pour le Maroc est minime, sauf dans le sud, où les nomades, devenus des véritables chasseurs de météorites tirent leur épingle du jeu.


Selon Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, professeur à l’université Hassan II de Casablanca, c’est devenu une « véritable activité dans le sud marocain ». « Il y a une réelle compétence des nomades. Je leur rends hommage car ils cherchent avec beaucoup de convictions. À leur échelle, ils participent au développement scientifique car la moitié des publications portent sur des météorites trouvées au Maroc ».


 


Résultats espérés pour cet été


À Houston lors de la Lunar and Planetary Space Conférence qui se déroule courant mars, nous n’apprendrons pas grand chose sur Tissint. « Il est trop tôt pour pouvoir dévoiler des résultats », prévient Brigitte Zanda. On en saura plus d’ici le mois d’août à Caims (Australie) lors de la réunion de la Meteoritical Society.


Avec cette date dans un coin de leurs têtes, les chercheurs français travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs marocains pour réussir à coiffer les Américains au poteau. Depuis quelques temps, Mars passionne le monde de la recherche. Encore plus Tissint.


« Dans les échantillons, il y a ceux qu’on appelle « chute » et d’autres qu’on nomme « trouvaille ». Les « chutes » sont rares, elles ont été observées et sont récupérées peu de temps après. Tissint en fait partie, elle n’a pas été victime d’altération terrestre », nous détaille Jean-Alix Barrat.


« C’est vraiment un don du ciel », rajoute Hasnaa Chennaoui Aoudjehane qui regrette tout de même le manque de moyens au Maroc. « Nous n’avons pas toutes les techniques analytiques. Et comme ce n’est pas réglementé, le Maroc ne dispose pas de ses échantillons. Nous aimerions vraiment avoir une structure équivalente au muséum d’Histoire naturelle qui serait dédiée au patrimoine géologique marocain et au volet scientifique. »


Un appel lancé depuis plusieurs années mais qui reste pour le moment sans réponse. La venue du congrès annuel de la Meteorite Society organisé pour la première fois à Casablanca en 2014 pourrait faire bouger les choses.


En attendant, on a hâte de connaître les secrets de Tissint. « Après quelques analyses, je peux vous dire qu’on va apprendre de nouvelles choses sur la chimie et l’Histoire de Mars », affirme Jean-Alix Barrat.


Jonathan Ardines