France. L’affaire Merah ouvre les vannes de la stigmatisation

 France. L’affaire Merah ouvre les vannes de la stigmatisation

Face à la remontée de Nicolas Sarkozy et à l’ascension de Jean-Luc Mélenchon


Il n’aura fallu que quelques jours après la tragédie de Toulouse et de Montauban pour que certains politiques relancent le débat sur les musulmans. Pointée du doigt par la droite et l’extrême-droite, la communauté risque d’avoir les oreilles qui sifflent jusqu’aux élections. (Photo AFP)




 


« Les amalgames n’ont aucun sens, je rappelle que deux de nos soldats étaient… comment dire… musulmans, en tout cas d’apparence, puisque l’un était catholique, mais d’apparence », déclarait hier lundi sur France Info le président Sarkozy.


La famille de l’une des victimes, Abel Chennouf, a trouvé « les propos du président de la République outranciers », selon son avocat Me Gilbert Collard. « Ce sont des militaires français qui ont été assassinés, aucun d’eux, au moment de sa mort, n’exhibait la croix ou le Coran », affirme la famille avant d’insister par la voix de son avocat, « la famille d’Abel souhaite, dans le respect de toutes les religions, que l’on respecte la sienne ».


La déclaration de Nicolas Sarkozy n’était pas passée inaperçue hier. Elle avait provoqué un déchaînement sur la toile où les commentaires outrés s’étaient multipliés.


L’opposition n’a pas attendu non plus pour critiquer cette sortie mal maîtrisée du chef de l’État. Pour les socialistes, Nicolas Sarkozy a réussi « en une phrase à résumer l’ensemble des préjugés dont souffrent nombre de Français aujourd’hui, rappelés constamment à leur origine réelle ou supposée et à leur religion présumée ».


Le Parti communiste va encore plus loin : « Cette expression, en plus d’être d’une bêtise insondable, est clairement raciste ! », affirme un communiqué qui s’interroge : « Comment le président de la République arrive-t-il à confondre, si ce n’est en le faisant volontairement, affaire de foi et couleur de peau ? ».


 


Marine Le Pen durcit le ton


Elle n’avait rien dit pendant la semaine. Face à la remontée de Nicolas Sarkozy et à l’ascension de Jean-Luc Mélenchon, la candidate du Front National a décidé de ressortir ses classiques.


Dimanche, lors de son meeting de Nantes, la candidate s’est défendue de « récupérer ce drame pour des raison politiques ». Avant de déclarer que « Mohamed Merah n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg ». Selon elle, ce « fanatique politique à prétexte religieux » n’est que « le début de l’avancée du fascisme vert dans notre pays ».


Marine Le Pen a radicalisé son discours devant 1 200 personnes aux anges : « Combien de Mohamed Merah dans les avions, les bateaux qui, chaque jour, arrivent en France remplis d’immigrés ? Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ? ».


Elle a ensuite promis de « mettre l’islam radical à genoux ». Pour cela, la candidate frontiste a lancé deux mesures qui laissent perplexe. Imposer « un bracelet électronique à toute personne qui revient d’un voyage suspect en Afghanistan » et organiser « une visite systématique de toutes les caves en banlieue ».


 


L’UOIF sous pression


L’Union des organisations islamiques de France (UOIF) organise du 6 au 9 avril prochain au Bourget, la 29e Rencontre annuelle des musulmans de France. Depuis, les drames de Montauban et de Toulouse, l’UOIF est pointée du doigt.


Mohamed Sifaoui, polémiste décrié, a déclaré que l’UOIF était « une organisation intégriste » qui propagerait « une idéologie qui instrumentalise l’islam à des fins politiques directement inspirée de la pensée des Frères musulmans égyptiens ».


Dans une lettre adressée à Nicolas Sarkozy, M. Sifaoui lui demande « d’intervenir personnellement pour faire annuler toutes les autorisations d’entrée sur le territoire français de ceux, parmi les invités de l’UOIF, qui sont connus pour leurs positions extrémistes ».


Les prédicateurs égyptiens, Mahmoud El-Masri et Yusuf Al-Qaradawi devaient se rendre au salon du Bourget. Le FN en a profité pour ruer dans les brancards accusant le président Sarkozy « d’accepter que des tribunes soient offertes, en France, aux tenants de la haine ».


Suite à ce début de polémique, les autorités françaises ont annulé le visa des deux prédicateurs. Une décision dont s’est félicitée le FN : « Il a donc fallu que ce soit le Front national, alerte et vigilant, qui interpelle le gouvernement sur ce scandale absolu compte tenu du contexte actuel ». Une interdiction confirmée par Manuel Valls, directeur de la communication de François Hollande qui assurait dimanche avoir eu vent de pareilles interdictions.


L’UOIF par la voix de son président, Ahmed Jaballah, s’est déclarée « surprise » de cette décision. « Cela fait 29 ans que le Salon existe, nos positions sont connues et claires, nous promouvons un islam tolérant et ouvert, où les notions d’intégration, de citoyenneté et du vivre-ensemble sont régulièrement évoquées dans nos rencontres ».


Jonathan Ardines