France. Sarkozy fait un saut en banlieue
Hier mardi, le président-candidat a décidé au tout dernier moment de venir faire une visite à Drancy (Seine-Saint-Denis). À la vitesse de l’éclair, Nicolas Sarkozy a eu le temps de rencontrer les responsables religieux, de relancer le débat sur la formation des imams, et d’envoyer quelques pics à son adversaire socialiste. (Photo AFP)
Il n’y avait pas encore mis les pieds. Depuis le début de sa campagne, le chef de l’État n’avait effectué aucun déplacement en banlieue. On se disait même qu’il les avait oubliées. Après son « karcher » et sa campagne de stigmatisation des musulmans, Nicolas Sarkozy savait qu’il n’était plus le bienvenu dans les quartiers populaires.
Pour être certain de ne pas se faire prendre à partie, Nicolas Sarkozy a décidé de prévenir les journalistes au tout dernier moment. Les interlocuteurs du président ont déclaré n’avoir été prévenus que le dimanche après-midi. Face à l’offensive du candidat Hollande en banlieue le week-end dernier, Nicolas Sarkozy devait réagir.
« Pas une seule idée sur les banlieues »
« Je suis très impliqué dans la vie des quartiers, depuis longtemps », a-t-il déclaré à son arrivée. Pressé d’en découdre, il n’a pas tourné autour du pot pour s’en prendre à son adversaire socialiste. « J’ai vu que M. Hollande y avait passé deux jours. Mais il n’y a pas une seule idée qui soit sortie de ces deux journées », a-t-il ironisé.
« Qu’a fait la gauche pour résoudre ces problèmes ? Rien, absolument rien. Qui a eu l’idée de la rénovation urbaine ? C’est Jean-Louis Borloo. Qui a mis les crédits ? C’est Jacques Chirac d’abord, puis moi. Ensuite, qui propose un nouveau plan de rénovation urbaine ? C’est moi », s’est-il félicité en sortant de sa rencontre avec les responsables religieux.
« Il ment comme un arracheur de dents », lui a rétorqué Razzy Hammadi, un des conseillers du candidat PS. « La convention instituant l’ANRU a été signée en 2003 lorsque Nicolas Sarkozy n’avait aucune responsabilité dans ce domaine, et depuis 2009, l’État ne met plus un seul euro dans l’ANRU », a-t-il rajouté.
Drancy, pas le fruit du hasard
En venant dans cette ville du 9.3., Nicolas Sarkozy savait qu’il ne craignait pas grand chose. Dirigée depuis de nombreuses années par le maire du Nouveau Centre, Jean-Christophe Lagarde, les communautés religieuses y ont noué des liens très étroits.
Lors de sa rencontre avec les responsables religieux, il a rencontré Hassen Chalgoumi, l’imam de la ville qui s’attire depuis des années les foudres des intégristes à cause de ses positions jugées « républicaines ».
Face à lui, Nicolas Sarkozy a longuement plaidé en faveur de la laïcité rappelant que « la République n’est pas l’ennemie des religions ». Il a condamné toute forme d’amalgame entre islam et extrémisme, tout en soulignant qu’il fallait éviter d’inviter des prédicateurs intégristes.
Un message qui trouvait tout son écho après la polémique lors du 29ème congrès organisé par l’UOIF. Sur ce point, il n’a pas pu s’empêcher de revenir sur l’intellectuel controversé Tariq Ramadan. « Je ne peux lui interdire d’entrer sur le territoire simplement parce qu’il appelle à voter François Hollande », a-t-il ironisé.
Formation des imams, débat relancé
« Sur la formation des imams, nous sommes prêts à aller assez loin », a déclaré le chef de l’État avant de se rendre à son déjeuner avec des jeunes de la commune. Une déclaration qui va dans le sens de ce qu’il venait d’annoncer, un Institut de formation d’imams.
Ce débat revient sur la table. Peut-on être formé à devenir imam avec des préceptes républicains ? Car voilà tout le problème. Pour de nombreux musulmans, la République n’aurait pas la légitimité pour diriger un tel institut. Il en existe aujourd’hui huit en France, dont deux dirigés par l’UOIF.
Apprendre les bienfaits de la laïcité dans un cadre religieux paraît peu probable. « Que l’on soit choqué ou non, le fait que des musulmans puissent déclarer que le Coran passe avant les lois de République est parfaitement juste en Islam », déclarait Mohamed Ibn Guadi, islamologue à l’université de Strasbourg en 2003.
Les choses n’ont pas changé depuis. Voilà encore une promesse du candidat UMP qui ne servira pas à grand-chose, même si elle appliquée.
Jonathan Ardines