Tunisie. Le 1er mai, journée à hauts risques

 Tunisie. Le 1er mai, journée à hauts risques

Dans la capitale


A 4 jours du 1er mai 2012, la date est sur toutes les lèvres en Tunisie. Dans un contexte social et sécuritaire troublé voire explosif, la journée de la fête du Travail promet cette année d’être extrêmement délicate à gérer pour les autorités. Les acteurs concernés fourbissent leurs armes. (Photo AFP)




 


Simple challenge sécuritaire de plus selon des sources sécuritaires locales, cette année le mardi 1er mai est selon les pages anarchistes et d’extrême gauche des réseaux sociaux « une journée qui peut faire tomber le gouvernement de la troïka ».


Des mouvances qui comptent surfer sur le fiasco de la politique répressive du gouvernement Jebali le 9 avril dernier, fête des Martyrs, pour capitaliser sur un état de grâce auprès d’un public plus large et précipiter la chute d’un gouvernement réellement affaibli.


La date coïncide par ailleurs avec une nouvelle crise qui secoue l’entité la plus instable de la coalition au pouvoir, le CPR.


Cette fois, c’est la survie même du parti qui est en jeu, après qu’Abderraouf Ayadi ait été démis de ses fonctions de secrétaire général du parti par son propre bureau politique. Cet enfant terrible du CPR, fort du soutien d’une partie de la base congrétiste et de 11 élus démissionnaires à la Constituante, promet des représailles en meneur d’une dissidence interne aussi radicale que son soutien au régime génocidaire syrien ou encore au salafisme djihadiste tunisien.  


Lundi, un autre responsable CPRiste appelait même à une seconde révolution pour protester contre la vie chère.


 


Anxiété du pouvoir


Malgré une relative sérénité affichée, le nouveau pouvoir a en réalité déjà montré plusieurs signes d’inquiétude. Dans la capitale, plusieurs manifestations simultanées sont prévues.


Mais seule la centrale syndicale de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens a obtenu une autorisation de manifester en bonne et due forme à Tunis auprès du ministère de l’Intérieur, avec un itinéraire vraisemblablement minutieusement quadrillé au niveau d’une Avenue Habib Bourguiba désormais sous haute surveillance.


Or, de nombreux partis d’opposition, composantes de la société civile, et même quelques mouvements clandestins ont d’ores et déjà annoncé leur intention de se joindre à la grande marche traditionnelle de l’UGTT.


Parmi ces derniers, la branche tunisienne des cyberdissidents d’Anonymous. Dans une dernière vidéo en date diffusée sur le web, massivement relayée, ils appellent à manifester le 1er mai pour profiter de la mobilisation record escomptée et l’orienter vers une action en priorité dirigée contre le gouvernement, les nouvelles formes de censure, et les milices islamistes.


La présidence de la République préfère anticiper en prônant l’unité nationale. Lors d’une conférence de presse hier mercredi, le porte-parole de la présidence Adnène Mnasser a invité les Tunisiens à « ne pas écouter ceux qui veulent semer la discorde », tout en affirmant son soutien aux revendications de l’UGTT « telles qu’elles ont été formulées dans sa demande officielle d’autorisation », a-t-il précisé.


Une façon de lier les mains des leaders syndicaux en les mettant devant leurs engagements. « Je sais cela dit que les manifestations ne se font plus sur invitation », ironise-t-il cependant, faisant référence implicitement à ceux qui seront hors de contrôle pour l’UGTT.


 


En France, la situation présente en cette période électorale quelques similitudes avec la Tunisie s’agissant du monopole du 1er mai, disputé dans sa symbolique entre la gauche, l’extrême droite et la droite sarkozyste qui tente de se réapproprier les valeurs du travail.


L’actualité nationale a montré ces dernières semaines qu’Ennahdha n’a pas choisi l’apaisement, avec une succession de décisions politiquement partisanes perçues comme une escalade par le camp progressiste.


Le mois d’avril fut un avant-goût de la radicalisation de la grogne sociale qui ne manque plus une occasion de s’exprimer. Elle ratera d’autant moins une journée test qui de par sa symbolique historique et son timing présente tous les ingrédients de l’émeute.


Seif Soudani