Achraf Ben Brahim : « Engagez-vous en politique! »

 Achraf Ben Brahim : « Engagez-vous en politique! »

Achraf Ben Brahim


 


Il n’a que 22 ans, il est étudiant et il a testé 10 partis politiques en prenant sa carte d’adhérent dans chacun d’entre eux. De cette expérience, Achraf Ben Brahim a tiré un livre intitulé « Encarté, mon immersion dans les partis politiques », paru aux éditions Lemieux. Interview.


 


Racontez-nous comment est née cette idée de prendre une carte dans chaque parti ?


Au départ, je n’étais pas du tout politisé. Et surtout, je n’étais pas encore français, ce qui amplifiait le désintérêt. Par curiosité, j’ai soutenu un candidat sans étiquette de ma ville aux législatives de 2012, ce qui m’a fait prendre goût à la chose. Mais cet engagement s’est soldé par un cuisant échec. Ce même échec a crée un déclic qui m’a convaincu de la nécessité de se politiser. Sauf que, pour moi à ce moment là, s’engager en politique rime avec parti politique, similairement au commun des Français. Pour éviter d’être à nouveau le dindon de la farce, j’ai pris la résolution de m’encarter avec les dix principaux partis politiques. Avec pour finalité de rejoindre celui qui serait le plus en cohérence avec mes convictions. Rapidement, ce fut la douche froide. J’y ai découvert des pratiques et des discours atrophiés, bien loin de l’aspiration citoyenne, ce qui explique en grande partie le dégout des français pour la politique. J’y reviens longuement dans mon livre.


 


Vous commencez votre parcours par le FN. Pourquoi ?


C’est tout simplement le parti qui m’a contacté en premier. J’ai adhéré en ligne et le secrétaire départemental adjoint m’a appelé pour me remettre ma carte en main propre. Là où les autres partis se contentent d’envoyer leur carte par la voie postale avec la banale lettre d’adhésion photocopiée, le FN vous accueille et prend le temps de savoir qui vous êtes. Pour aller vite, si on oublie les dérives islamophobes et xénophobes, j’y ai vu des gens animés par une conviction réelle et une volonté de changer leur quotidien mais dont les espérances et les difficultés sont instrumentalisées par une caste frontiste intéressée et qui n'est en rien représentative de ces derniers. J'illustre cela par diverses anecdotes sur le racket systématique des militants à qui on fait tout payer ou encore les contradictions du parti, qui, sur les plateaux télé, s'insurge contre la mondialisation et le dumping mais qui, sur son site internet, vend des produits fabriqués au Bengladesh et dans des pays du tiers-monde.


 


Le but de votre livre, c’est d’exhorter ceux qui vous liront à prendre leur destin en main plutôt que de l’abandonner à une tendance électorale, c’est ça…


J’appelle les gens à se politiser eux-mêmes et à s’instruire sur tout ce qui tourne autour de la politique au sens propre du terme parce que la politique, ce n’est pas le commentaire ni une affaire de sympathie pour tel ou tel candidat. Il faut arrêter de croire que cela serait différent si DSK avait été élu en 2012 ou si Juppé le sera en 2017. Etre politisé, C'est par exemple être à jour sur les projets de loi ou les arrêtés municipaux de sa commune pour créer un rapport de force avec l'élu. J'essaye via ce récit-essai de les exhorter aussi à s’engager indépendamment des partis politiques. C’est vraiment une question française. On peut et il faut faire de la politique en dehors des partis politiques car je le démontre dans mon livre : rejoindre un parti politique, c'est au contraire se domestiquer à sa ligne politique et donc perdre toute autonomie idéologique.




Propos recueillis par Chloé Juhel