Seifeddine Rezgui, ou l’indétectable profil du néo-djihadiste

 Seifeddine Rezgui, ou l’indétectable profil du néo-djihadiste

Photos de Rezgui prises l’an dernier


La théorie du loup solitaire ne renvoie pas nécessairement à un acteur isolé, mais à un exécutant solitaire d'un projet porté par une stratégie, parfois longuement planifié. C’est vraisemblablement le cas de Seifeddine Rezgui, inconnu des services de renseignement tunisiens, « sur aucun de nos radars » concède Walid Louguini, conseiller du ministre de l'Intérieur. Le point sur l’enquête.




 


« C’est du travail de pro » ajoute, fataliste, la même source, qui nous confie que le jeune homme de 23 ans n’a laissé derrière lui ni journal ni documents au domicile familial de Gaâfour tout comme dans sa chambre d’étudiant de Kairouan, ville dans laquelle il aurait pris part parmi des milliers d’autres jeunes au second meeting annuel d’Ansar al Charia en 2012, le dernier avant l’interdiction du mouvement.  


Malgré le cryptage de certaines données, seul son smartphone, récupéré par des plongeurs, a permis selon Louguini l’arrestation de 7 contacts de Rezgui, ainsi que sa petite amie, toujours en détention préventive. Pas moins de 62 autres personnes, dont deux faisant l’objet d’un signalement, sont toujours recherchées dans le cadre de la même affaire, reconnait cependant le haut fonctionnaire.


« L’avant-veille de l’attaque, il était avec nous à la Maison des Jeunes et nous avions pratiqué quelques pas de breakdance ensemble », affirment des amis de Rezgui, ce qui tend à contredire une revendication postée sur un forum affilié à l’Etat Islamique qui évoquait « un homme ayant renoncé aux futilités de la vie d’ici-bas ».


« Il était un supporter féru du Club Africain, du Real Madrid, de Liverpool et de Manchester United », se remémorent ses compagnons de jeu… Bien qu’ayant reçu un appel d’adieux lucide, sa mère, Radhia Manaï, reste dans un certain état de déni et pense que son fils était « sans doute sous l’emprise de la drogue ». Une présumée intoxication qui fait l’objet de fuites contradictoires, en attendant les résultats de l’autopsie « toujours en cours » selon le docteur Moncef Hamdoun de l’hôpital Charles Nicolle.


« En janvier dernier, il avait exprimé le souhait de quitter Kairouan et voulait changer de campus », confie la mère de Seifeddine au Sunday Times, ajoutant qu’il avait demandé en vain de l’argent à son père, modeste travailleur des cheminots gagnant 550 dinars par mois, afin de poursuivre ses études d’électronique en France.


Mal-être classique d’un étudiant d’une ville du centre ? Inscrit en master de l’Institut Supérieur des Sciences Appliquées et de Technologies de Kairouan, Rezgui n’était pourtant pas en situation de décrochage scolaire et n’avait redoublé aucune année. Amani Sassi, secrétaire générale d’une branche dissidente de l’UGET, décrit un étudiant « très actif et impliqué » dans les mouvements estudiantins rivaux du syndicat d’extrême gauche.  


18 mois après la tentative d’attentat suicide avortée le long de la plage de l’hôtel Riadh Palm, autre haut lieu du tourisme de masse à Sousse, tout indique qu’un ordre d’agir a été intimé en direction d’une cellule dormante pour que soit menée l’opération du vendredi 26 juin. Parti sans raison apparente pour interrompre ses vacances au domicile familial, Seifeddine Rezgui a passé la nuit du 25 au 26 juin dans un appartement de location à Chott Mariem, mais non sans avoir fait des repérages sur place à trois reprises durant le mois de juin, croit savoir The Mirror.  


A Sousse, des riverains nous ont bien confirmé que pendant les deux jours consécutifs à l’attaque, des enquêteurs se sont acharnés à retrouver la trace de deux occupants d’un véhicule utilitaire Peugeot Partner de couleur blanche qui aurait déposé Rezgui le jour de l’attaque après avoir participé à des opérations de reconnaissance. Une image du véhicule issue d’une caméra de surveillance a depuis fait surface, révélée par un site d’info local, où l’on voit l’assaillant muni du parasol camouflant son arme se diriger vers l’accès à la plage.


En recoupant les témoignages de pas moins de 275 touristes témoins oculaires, les autorités ont établi que Rezgui a calmement rechargé son arme d’assaut à 5 reprises via des chargeurs de 38 balles chacun. Ce qui équivaut à environ 190 cartouches tirées pour 80 personnes touchées. Un "rate" important, même si des plagistes nous ont assuré à Sousse que l'homme est tombé à l'arrière en tirant la première rafale.


Plusieurs sources en marge de l’enquête font état d’un entraînement reçu dans un camp de Sabratah, au nord-ouest de la Libye. Incapables de déterminer avec certitude la date et la durée de ce séjour, les autorités accueillent avec soulagement l’annonce faite par le chef du gouvernement du projet de construction d’un mur de 168 km le long de la frontière, d'un coût total de 150 millions de dinars.


Une mesure radicale accueillie avec scepticisme par beaucoup de Tunisiens.    


 


Seif Soudani