Immigrés ou réfugiés ? L’heure de vérité
« L’enfer, c’est les autres », bien entendu et l’autre, aujourd’hui, c’est plus que jamais l’immigré, celui qui « venait manger le pain des Français » et qui désormais menace l’existence même de la nation, il est l’affamé africain, le prostitué syrien(ne), le terroriste potentiel irakien et le trafiquant libyen, trop d’épithètes extrêmes mais qui semblent aller comme un gant à tous « ces faux immigrés », mais « véritables escrocs » aux alléchantes allocations familiales de l’Europe grassouillette.
A la lecture des débats qui font rage en Europe, au vu des déclarations euphémiques des hommes politiques sur la question, aux diatribes enflammées de l’extrême droite auxquelles répondent les généralisations angéliques de l’extrême gauche, aux discours politiquement corrects des gouvernements répondent la surdité des intellectuels et le silence coupable des économistes. Pourtant la question est d’une limpidité extraordinaire, l’Europe est aujourd’hui confrontée à ses propres choix politiques d’hier et à ses aventures géopolitiques d’aujourd’hui et, c’est à elle de payer le prix de ces errements.
Un constat, d’abord, tous ceux qui attendent que ça se calme n’ont pas compris qu’il s’agit d’une lame de fond, que l’ampleur du flux ira en s’amplifiant, que les millions de personnes qui sont aujourd’hui en route vers l’Europe, sont à mi-chemin entre l’enfer de la route et celui de la Méditerranée. Pas de répit, ce sont de plus en plus d’humains qui préfèrent une mort hypothétique dans les eaux sombres de la Mare Nostrum à celle, sûre et inexorable qui les guette dans leurs contrées d’origine.
Autre précision de taille, ces migrants (terme politiquement correct) qui sont pour la presse des « clandestins », pour la police, des immigrés illégaux et pour la classe politique, des « étrangers » sont en fait des « réfugiés ».
« Réfugiés » pour cause de famine en Afrique, « réfugiés » pour cause de massacres ethniques en Irak ou en Libye, ce sont des personnes en danger de mort qu’il faudrait traiter en tant que tels.
L’Europe est coupable de « non assistance à personne en danger » non seulement parce que les personnes qui tentent de forcer sa porte sont réellement en danger mais aussi parce que c’est de sa responsabilité que relève la solution à des problèmes qu’elle a elle-même créés.
Qui peut nier l’héritage postcolonial qui a fait de l’Afrique, le terreau de dictateurs en tout genre qui font toujours allégeance à la métropole pour continuer à régner dans la terreur et l’exploitation des populations ? L’Afrique est toujours mal partie. A qui la faute ?
Plus près de nous, l’inconscience d’un Sarkozy qui, pour faire taire un Kadhafi trop bavard sur les valises d’euros distribués à l’UMP, n’a pas hésité à bombarder la Libye et plonger le pays dans le chaos. Même topo pour Hollande qui n’hésite pas à envoyer ses soldats mitrailler les Maliens sous prétexte de combattre le terrorisme et qui rêve toujours d’en découdre avec Assad, une crapule finie, qui n’en est pas moins toujours chef d’un Etat ou de ce qui en reste.
Quand on veut remodeler la carte du monde, il faut avoir les moyens de faire face aux turbulences qui en découlent et c’est là où réside la responsabilité de l’Europe dont la culpabilité est évidente.
En agitant l’immigration comme un enjeu de politique intérieure, en faisant croire à leurs électeurs que la question des immigrés est une question transitoire, les politiques trompent leur monde et se trompent de débat.
Abdellatif El azizi