Jour de colère des agriculteurs
Rentrée sociale décidément mouvementée pour le gouvernement Essid. Mercredi et jeudi 2 et 3 septembre, les autorités ont dû faire face, débordées, à la colère de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche qui a mobilisé des milliers de manifestants aux quatre coins du pays, surtout à Tunis où la foule des agriculteurs a tenté d’envahir le ministère de l’Agriculture.
« Que la classe laborieuse des agriculteurs et fermiers manifeste pacifiquement est l’une des expressions les plus nobles de civisme », commente Bassam Bounenni de Sky News. Les centaines de manifestants ont cependant été réprimés sans ménagement par la police anti émeutes.
« Nos revendications sont les mêmes depuis plusieurs années, la coupe est pleine. Nos demandes sont pourtant simples, mais vitales : essentiellement trouver une solution au surendettement qui mine le secteur et empêche les agriculteurs de renouer avec la production, et débloquer des crédits pour ceux qui n’y ont jamais eu accès », martèle Adel Messaoudi, vice-président de l’UTAP, qui demande à ce que les mesures prises jadis en ce sens par l’Assemblée soient implémentées.
Interrogé par le Courrier de l’Atlas, il explique : « Etant donné l’âge des manifestants, plus de 50 ans pour la plupart, et beaucoup de femmes et de vieillards, nous ne nous attendions pas à être malmenés de la sorte. Certains ont parcouru plus de 500 kilomètres pour faire entendre leur voix. Nous comptions initialement nous arrêter à quelques mètres du ministère, mais face aux coups de matraque non justifiés, nous ne pouvions plus encadrer les protestataires, y compris en région où nos camarades se sont solidarisés face à la violence des images retransmises en direct ».
Récemment bénéficiaire d’une recapitalisation, la Banque Nationale Agricole est accusée par les agriculteurs de financer toutes sortes de projets lucratifs, sauf ceux de son secteur de prédilection.
D’autres syndicalistes s’agacent face à l’attitude des officiels qui « n’ont pas daigné envoyer un vis-à-vis, retranchés dans leurs bureaux climatisés », selon leurs termes. Mercredi le ministre recevait son homologue français, Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, d’où les renforts déployés au 30 rue Alain Savary.
Chargées en symboles, les images d’affrontement entre les forces de l’ordre et des manifestants démunis interviennent moins de 24 heures après la répression des jeunes manifestants contre le projet de loi de réconciliation économique, et ne manqueront pas de marquer les esprits. Jeudi les agriculteurs revenaient à la charge, toujours aussi nombreux, contraignant le chef du gouvernement à recevoir une délégation du bureau exécutif de l’UTAP.
Seif Soudani