La leçon allemande qu’une majorité de Français ne veut pas voir
Alors que les Allemands sont en train de donner une leçon – tardive, mais louable – d’humanité au reste de l’Europe, la France reste divisée sur la réponse à apporter au flux de quelques milliers de migrants qui traverse actuellement l’Europe. Des associations et de citoyens se mobilisent tandis que la droite et l’extrême droite restent campées sur des positions d’un autre âge.
Les Républicains et le FN sur la même longueur d’onde
Le président de l'Association des maires de France François Baroin (Les Républicains) a estimé vendredi que la France n'était pas en situation d'accueillir « durablement » des réfugiés, et que pour sa part il n'en accueillerait pas davantage à Troyes. « Je ne le ferai pas à Troyes pour la simple et bonne raison que je suis en surcapacité à l'échelle régionale des centres d'accueil des demandeurs d'asile », a affirmé M. Baroin, interviewé sur ITélé alors que le PS a appelé à la constitution d'un réseau de villes solidaires pour accueillir les réfugiés.
De manière générale, M. Baroin estime que la France n'est pas en mesure d'accueillir les réfugiés syriens dans de bonnes conditions. « La situation française n'est pas bonne. Elle n'est pas bonne économiquement, elle n'est pas bonne socialement. Est-on en situation d'accueillir ces gens durablement ? (…) Non. Il y a des pays qui le peuvent, l'Allemagne (…), la Suède (…), l'Autriche », a-t-il jugé.
Une position qui rejoint en substance celle du Front national. « L’immigration n’est pas une chance, c’est un fardeau ! », a lancé Marine Le Pen dimanche à l’occasion de l’université d’été du parti d’extrême droite. Faisant l’amalgame entre migrants et terroristes, la présidente du FN estime que le fondamentalisme islamiste s’« accroit par cette immigration hors de contrôle ».
Des Français à contre-courant
Une position qui tranche avec la mobilisation de samedi. 10 000 manifestants ont battu le pavé dans toute la France, principalement à Paris, sous le mot d’ordre « Pas en notre nom » pour dénoncer la politique jusqu’à présent répressive menée contre les migrants. « Ouvrez les frontières ! », « Droit d’asile pour toute personne persécutée » ou encore « L’accueil pour moi c’est oui », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les manifestants.
Même si l'opinion publique demeure toutefois majoritairement opposée à ce que la France assouplisse les conditions d'octroi du statut de réfugié, plusieurs initiatives plus concrètes ont été lancées dans la foulée pour venir en aide aux migrants. 66 artistes ont ainsi signé une tribune dans le Journal du Dimanche pour signifier qu’ils ne pouvaient plus « rester claquemurés dans l’indifférence et le silence devant la tragédie de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui meurent faute d’être accueillis, victimes de la barbarie et de la guerre dans leurs propres pays et du repli sur soi dans les nôtres ».
Une majorité contre l’accueil de réfugiés et pour des bombardements en Syrie
Prenant le contrepied de François Baroin, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a décidé de réunir le 12 septembre les maires prêts à accueillir des réfugiés. « Ces derniers jours, plusieurs dizaines d'entre vous ont exprimé leur volonté d'accueillir dans leur ville des réfugiés et demandeurs d'asile qui fuient au péril de leur vie la barbarie, les conversions forcées, les exactions, la guerre », écrit M. Cazeneuve dans une lettre à tous les maires de France, citée par le JDD.
Selon un récent sondage, une majorité de Français ne souhaite toutefois pas prendre exemple sur l’Allemagne. Les images de réfugiés Syriens arrivant sous les acclamations et de distributions de nourriture et de vêtements dans plusieurs villes allemandes ne semblent donc pas émouvoir outre mesure de ce côté-ci du Rhin. 62 % des sondés estiment même qu'il faut les traiter comme des migrants comme les autres, et seulement 36 % jugent qu'ils « méritent un meilleur accueil en tant que réfugiés de guerre ».
En revanche, une majorité de 61 % se dit favorable à ce que la France participe à une intervention militaire au sol en Syrie contre l'organisation jihadiste État islamique (37 % sont contre).
Rached Cherif