Une question d’un journaliste provoque un incident diplomatique avec l’Egypte
En visite officielle auprès de son homologue en Tunisie, dans le cadre du 15ème sommet bilatéral de coopération entre les deux pays, le Premier ministre égyptien Ibrahim Mahlab a brusquement mis fin à une conférence de presse qui se tenait mardi au Palais de la Kasbah à Tunis, manifestement agacé par une question du journaliste Mokdad Mejri à propos d’une affaire de corruption.
Intervenant en fin de conférence de presse, le journaliste vedette de la chaîne privée Zitouna TV avait pourtant pris toutes sortes de précautions oratoires, prenant soin de saluer « l’invité de la Tunisie qui lui donne l’occasion d’interagir avec l’actualité égyptienne ». Mejri passe directement à l'affaire du moment qui secoue la scène politique en Egypte et poussé le ministre égyptien de l'Agriculture à la démission, incarcéré depuis pour son rôle présumé dans une affaire de corruption : « ce grand scandale de corruption vous concerne aussi », enchaîne le journaliste interpelant le Premier ministre…
« C'est une affaire interne » tente d’interrompre dans un premier temps Ibrahim Mahlab. Mais dès qu’il entend son propre nom cité, le Premier ministre quitte manu militari son pupitre, irrité, en compagnie de sa délégation et de sa garde rapprochée dont une partie, paniquée, se dirige vers les journalistes. Médusé puis dépassé, le chef du gouvernement tunisien Habib Essid ne peut que suivre son homologue en silence.
« Est-ce cela votre liberté de la presse ? », s’indigne aussitôt Mokdad Mejri. « Une réaction qui bafoue le prestige de l’Etat tunisien », commentent des confrères locaux à propos du mépris affiché par la délégation égyptienne face aux officiels tunisiens.
Diffamation dans les médias égyptiens pro régime militaire
Dans les médias propagandistes égyptiens spécialisés dans les tribunes pro al Sissi, la réaction n’a pas tardé. L’un des chroniqueurs les plus virulents, Ahmed Moussa, a consacré dans la même journée de mardi son émission à l’insulte en des termes orduriers du journaliste tunisien, présenté comme « Frère musulman, membre de l’organisation terroriste Ennahdha », se basant sur une vidéo de Mokdad Mejri où ce dernier se solidarisait avec les condamnés à mort en Egypte.
Le présentateur a ensuite exigé des excuses officielles du président Béji Caïd Essebsi, « dans la mesure où le Premier ministre en déplacement représentait le peuple égyptien »
Le ministre égyptien de l'Agriculture Salah Helal avait été arrêté lundi dans le cadre d'une enquête sur une importante affaire de corruption au sein de son ministère, juste après avoir été contraint à la démission par le président Abdel Fattah al Sissi qui tente de « montrer l’exemple » auprès de l’opinion publique en matière de lutte anti corruption.
Avant son déplacement éclair à Tunis, le Premier ministre Ibrahim Mahlab, ancien cadre du Parti national démocrate (PND), le parti dissous de l'ex-président Moubarak, se penchait déjà sur un remaniement ministériel, au moment où une loi sur la réconciliation avec l’ancien régime de Moubarak fait aussi débat.
S.S