« Ain’t I a Woman », enfin traduit en français

 « Ain’t I a Woman », enfin traduit en français

« Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme »


 


Ce livre date de 1981, il vient seulement d’être traduit en français et sort aujourd’hui en librairie. Un ouvrage précieux alors qu’en France commence à peine à émerger un mouvement afroféministe dont la partie la plus médiatisée est incarnée par le collectif Mwasi. 


 


Mais « Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme », paru aux éditions Cambourakis, est précieux surtout du fait de son contenu, de la richesse de sa documentation scientifique et de la fine analyse menée par bell hooks.


 


Classe, race et genre


bell hooks est une intellectuelle et militante féministe américaine qui s’intéresse aux relations entre classe, race et genre. Son nom emploie volontairement des initiales minuscules, un choix que l’auteure explique par le fait que le plus important dans ses travaux est la « substance des livres, pas ce que je suis ».


 


Les bases de ce qui deviendra l’Afroféminisme


Le titre de l’ouvrage fait référence au célèbre discours prononcé en 1851, lors de la Conférence du droit des femmes d’Ohio, par Sojourner Truth, cette militante abolitionniste née esclave qui est parvenue à prendre la fuite avant de gagner sa liberté en 1826. Ce discours « Ain’t I a Woman » posera les bases de ce qui deviendra l’Afroféminisme.


 


Le sexisme, oppression aussi forte que le racisme


Dans ce livre, bell hooks dresse un constat amer sur la fragilité du lien qui unit les féministes blanches aux féministes noires. « Lorsque le mouvement pour les droits des femmes prit fin dans les années 20, les voix féministes noires furent réduites au silence ». L’intellectuelle souligne également un terrible système d’exclusion dont sont victimes les femmes noires : « le terme hommes ne réfère qu’aux hommes blancs, le terme Nègres ne réfère qu’aux hommes noirs et le terme femmes ne réfère qu’aux femmes blanches ». bell hooks revient sur le sexisme dont sont victimes les femmes noires esclaves : « le sexisme apparaît comme une oppression aussi forte que le racisme dans leur vie ». Pourtant, souligne-t-elle, « dans n’importe quelle plantation, les femmes noires effectuaient les mêmes taches que les hommes noirs ».


 


Problème de cécité


Et ce constat peut résonner âprement aux oreilles des féministes françaises contemporaines. Ce que souligne justement Amandine Gay, réalisatrice et militante afroféministe, qui signe la préface de « Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme ». Elle revient sur son parcours et son passage au sein du collectif « Osez le féminisme » dont « la majorité des membres sont blanches » et dont le discours est « éminemment paternaliste ». Amandine Gay dénonce ce « problème de cécité » dont souffre la France, ce « refus de voir les Blanc.he.s et les Noir.e.s hors d’une rhétorique universaliste qui invisibilise les couleurs et les hiérarchies qui y sont associées ».


 


Chloé Juhel 


« Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme », bell hooks, paru aux éditions Cambourakis