Le Front national peut-il gagner les voix des Français musulmans de banlieue ?
Après avoir percé dans les milieux populaires des villes moyennes et des campagnes, le Front national (FN) part à la chasse aux voix dans les banlieues. La tête de liste FN pour les élections régionales en Ile de France, Wallerand de Saint-Just, espère faire progresser le parti d’extrême droite auprès des habitants de ces zones souvent défavorisées, y compris chez les Français musulmans.
Les ZUS : cibles du FN pour les régionales
Même s’il est toujours à la traine dans les intentions de vote en région parisienne, traditionnellement hostile à l’extrême droite, le candidat FN progresse régulièrement à quelques semaines du scrutin. Dans une enquête Odoxa publiée au début du mois, sa liste est créditée de 20 % des intentions de vote au premier tour, derrière celles de Claude Bartolone (24 %) et de Valérie Pécresse (34 %), mais deux fois plus qu'aux régionales de 2010 (9,29 %). En 2014, le parti de Marine Le Pen avait obtenu 17,5 % en Ile-de-France aux européennes et 6,5 % aux municipales de 2014 à Paris. Preuve que le FN parvient déjà à toucher une partie des Franciliens non parisiens.
« Plus on s'éloigne de Paris, meilleur c'est pour nous », dit à Reuters Wallerand de Saint-Just, qui reproche à l'ancien maire PS Bertrand Delanoë d'avoir « transformé la sociologie parisienne », en reléguant les classes populaires hors de la capitale.
Parmi les zones ciblées pour la campagne des régionales figurent les 203 zones urbaines sensibles (ZUS) de la région parisienne. Plus de 600 000 tracts seront envoyés par La Poste à leurs habitants, dont une proportion importante d’électeurs de confession musulmane.
Les musulmans sont « autant français que les autres »
« Le vote de nos compatriotes de confession musulmane nous intéresse. Il y aura un mot pour eux. On va leur dire qu'ils sont autant français que les autres et qu'ils doivent respecter les règles de la laïcité », explique Wallerand de Saint-Just. Un discours qui tranche avec l’image islamophobe du parti d’extrême droite et son positionnement sur plusieurs sujets.
Dans plusieurs villes gagnées par le FN aux dernières élections municipales, les repas de substitution au porc ont été retirés des cantines scolaires ou sont en passe de l’être. De même, plusieurs maires frontistes tentent de faire barrage à des projets de mosquées dans des villes où les lieux de culte sont rares ou vétustes. Le parti souhaite d’ailleurs voir interdits « les baux emphytéotiques et autres facilités accordées à des cultes », indiquait le programme de Marine Le Pen en 2012. Le même programme envisageait l’interdiction « du voile ou de tout autre signe religieux » pour les usagers des services publics, voire pour « l’ensemble de l’espace public »
Un réservoir de voix limité en banlieue
Toutefois, le FN dit avoir constaté ces dernières années une progression du vote des Français musulmans en sa faveur. « Nous avons atteint 49 % au second tour aux départementales à Montfermeil », ville sensible de Seine-Saint-Denis, souligne Wallerand de Saint-Just, qui veut déconstruire le mythe que le FN et les banlieues sont incompatibles.
Pour cet ancien avocat, le FN a toujours tenu « un équilibre complet » à l'égard du monde musulman en dépit de ses positions jugées extrêmes par ses adversaires sur l'immigration. « On parle d'assimilation. Ceux qui acquièrent la nationalité française, dans le temps, ne seront heureux que lorsqu'ils auront adopté le plus possible les us et coutumes français », explique-t-il.
Gaël Slimane, président de l'institut Odoxa, voit cependant dans la démarche du FN une « posture marketing ». « Qu'ils puisent dire qu'ils iront chercher le vote des musulmans, c'est une manière de dire qu'ils n'ont rien de xénophobe ou de raciste », analyse-t-il. « Si l'on se réfère aux données électorales et aux enquêtes Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po-NDLR), notamment aux deux dernières présidentielles, ce n'est pas vraiment une zone de force sociologique pour le FN, ni les populations d'origine musulmane, ni les banlieues », ajoute-t-il.
Rached Cherif