L’examen du projet de loi de réconciliation reporté jusqu’à nouvel ordre
Le 20 octobre prochain sera entamée la seconde session parlementaire de l’année, avec au programme un ensemble de « textes législatifs fondamentaux », jugés prioritaires à l’issue d’une réunion jeudi au Bardo entre le chef du gouvernement Habib Essid et le président de l’Assemblée des représentants Mohamed Ennaceur. Selon nos informations, le projet de loi de réconciliation économique n’en fait plus partie. Du moins pas avant l’horizon 2016.
La réunion de concertation vise à harmoniser les deux mandats de l’exécutif et du législatif, ce qui est censé notamment permettre d’élaborer le calendrier des deux appareils ainsi que l’ordre des apparitions des membres du gouvernement en séance d’audition devant les députés. Au programme, 22 projets de loi, contre 43 déjà entérinés lors de la première session parlementaire.
Ainsi deux chantiers phares ont fait l’unanimité quant à leur statut de « priorité absolue » : la loi sur le partenariat public-privé, dont les implications idéologiques laissent présager de séances animées, avant de passer à la loi du budget 2016. Une feuille de route également motivée par les engagements de la Tunisie auprès de ses bailleurs de fonds internationaux, qui continuent d’exiger des réformes économiques et financières structurelles.
Reste enfin la création de la Cour constitutionnelle, dont les derniers contours législatifs buttent toujours sur l’étendue de ses prérogatives, objet d’une querelle y compris au sein de la majorité et du gouvernement qui a présenté son propre texte en la matière.
Un contexte politique défavorable
Grand absent de la réunion du 15 octobre, le projet de loi présidentiel dit de réconciliation économique n’était tout simplement pas à l’ordre du jour. Premier à se faire l’écho de cette « reculade », Mohamed Kamel Gharbi, président du Réseau tunisien pour la justice transitionnelle. Pour Gharbi, le report revêt un caractère politique, qui traduit en actes un engagement d’Habib Essid qui promettait « qu’il n’y aurait plus de place dans la Tunisie d’après révolution pour la normalisation avec la corruption ». Est-ce prêter à Essid des pouvoirs qu’il n’a pas ?
S’il est sans doute trop tôt, et aussi trop optimiste étant donnée la nature technocrate et sans envergure du gouvernement Essid, pour trancher en faveur d’une victoire d’une quelconque doctrine en la matière, les déboires du parti majoritaire, combinés à la levée de boucliers de la société civile et de l’opinion constituent en revanche une explication plausible à cette volte-face provisoire.
Rattrapé par les luttes fratricides pré congrès, opposant le fils Essebsi au numéro 1 du parti Mohsen Marzouk, Nidaa Tounes n’a pas intérêt à ajouter un autre front à une lutte existentielle qui l’absorbe déjà et qui se donne suffisamment en spectacle dans les médias nationaux. D’où le besoin de temporiser avant de se mettre en ordre de bataille. Sans compter le vote prévu le 22 octobre prochain qui pourrait retirer la confiance au président du bloc Nidaa à l’ARP.
L’Instance Vérité & Dignité imperturbable
Pendant ce temps, l’IVD progresse de manière substantielle dans son mandat, rendant d’autant plus superflue toute proposition de loi qui multiplierait les acteurs intervenant dans le champ de la justice transitionnelle. L’Instance a en effet annoncé cette semaine qu’elle a auditionné 800 citoyens à ce jour sur les 17 000 dossiers qu’elle a reçus, dont des dizaines d’aditions consacrées à l’arbitrage et la conciliation, ainsi que les cas les plus urgents.
Réuni en session extraordinaire début octobre à Barcelone, l’International Center for Transitional Justice a réitéré son inquiétude quant aux possibles interférences d’une nouvelle loi avec la mission de l’Instance Vérité et Dignité, tout en rappelant que la plupart des commissions vérité (une quarantaine dans le monde) ont dû composer avec un climat politique hostile.
S.S