La crise identitaire européenne vue par Raphaël Liogier

 La crise identitaire européenne vue par Raphaël Liogier

« Le complexe de Suez – Le vrai déclin français (et du continent européen) » de Raphaël Liogier


 


« Le complexe de Suez » repose sur la théorie selon laquelle l’Europe serait un « continent narcissiquement meurtri » qui se vivrait comme assiégé et serait obnubilé par « l’angoisse de l’effacement identitaire ». Un livre à valeur de belle remise en question.


 


L’auteur de « Le complexe de Suez – Le vrai déclin français (et du continent européen) » paru aux éditions Le Bord de l’eau amorce son raisonnement en faisant le nécessaire rappel que l’Europe fût, pendant plusieurs siècles, « le centre de gravité de l’humanité dans son ensemble ». Raphaël Liogier considère que la crise de Suez de 1956 marque « le renversement de cette domination », date à laquelle l’Europe subit « les sarcasmes de l’Egypte et du reste du monde », le continent européen demeurant depuis un « continent narcissiquement meurtri ».


 


Le différentialisme banalisé 


L’Europe ne se serait donc jamais remise de ce que le philosophe et sociologue appelle le « complexe de Suez ». Un complexe qui n’aurait d’ailleurs jamais été aussi manifeste qu’aujourd’hui. « Le différentialisme est banalisé », nous explique Raphaël Liogier qui parle de « fond sonore ». « Quelque chose de notre « exception française » serait en péril », écrit-il.


 


L’« hybridation » comme source d’angoisse


L’auteur illustre son propos en se basant, par exemple, sur la « journée du retrait », lancée après la diffusion de sms qui affirmaient que l’école avait des « pratiques pseudos-pédagogiques délirantes ». Raphaël Liogier évoque l’« hybridation » comme source d’angoisse, qui se vérifie à travers plusieurs phénomènes, pas seulement celui de la « journée du retrait » : « fille homosexuelle/fille « normale » (infiltration du mode de vie lesbien) ; garçon homosexuel/garçon « normal » (infiltration du mode de vie gay) ; noir/blanc (négrisation) ; musulman/chrétien (islamisation) ; arabe/ « vrai Français » (arabisation) ».


 


Notion plus volatile de culture


« Nous vivons dans un climat de défense culturelle », écrit Raphaël Liogier qui parle également d’« hétérophobie, rejet de l’autre qui est « implanté » chez nous ». « Nous avons glissé, non plus à partir de la race mais à partir de la notion plus volatile de culture ».


Le philosophe et sociologue illustre son propos en parlant de ces Français partis en Syrie pour se joindre aux opposants au régime de Bachar El-Assad. « On a le sentiment que les actes de ces jeunes équivalent tous à des tentatives d’attentats sur le sol français », explique Raphaël Liogier, « il ne s’agit pas pour moi de prétendre que cela ne pose aucun problème, mais seulement de montrer à quel point l’imaginaire de la guerre culturelle nous conduit à traiter ces jeunes comme s’ils représentaient une menace pour la sécurité intérieure française ».


Egalement auteur de « Le mythe de l’islamisation », paru au Seuil et de « Ce populisme qui vient », chez Textuel, Raphaël Liogier est sociologue et philosophe spécialisé sur les questions de religion. Après avoir publié différents travaux sur le bouddhisme, il s’intéresse désormais à l’islam. 


 


Chloé Juhel


« Le complexe de Suez – Le vrai déclin français (et du continent européen) » de Raphaël Liogier, paru aux éditions Le Bord de l’eau