Rivalités à Nidaa Tounes : la crise s’aggrave

 Rivalités à Nidaa Tounes : la crise s’aggrave

Mohsen Marzouk en compagnie de Daniel H. Rubinstein


Censé tenir son congrès en décembre prochain, Nidaa Tounes s’enlise chaque jour un peu plus dans les méandres des dissensions. Chaque camp a en effet campé sur ses positions jeudi, rendant une sortie de crise plus qu’improbable, ce qui n’est pas sans incidence sur la gouvernance du pays.




 


Incertaine jusque la dernière minute, la réunion exceptionnelle du comité constitutif a finalement bien eu lieu jeudi soir 12 novembre au siège du parti dans les Berges du Lac, contre la volonté du bureau exécutif, mais aussi cette fois contre l’avis du vice-président Mohamed Ennaceur, qui avait tenté de jouer la carte de la sagesse pour plaider le report de cette réunion, craignant d’arriver à un point de non-retour dans l’escalade opposant les deux camps.


Huit constituants ont répondu présent à l’appel. En matière de communication politique, la symbolique de la gestuelle est parfois édifiante : pour la deuxième fois consécutive, c’est Hafedh Caïd Essebsi qui a choisi de se tenir, droit comme un « i », pile derrière le membre chargée de la lecture du communiqué de presse, les yeux rivés sur le document… une posture d’insolente domination qui suggère que le texte lui est directement dicté.  


Il ne s’agit pas que d’une impression, puisque le mini coup d’Etat se lit aussi entre les lignes du procès-verbal de la réunion, leaké vendredi par le député Walid Jalled : ainsi l’instance constitutive a décidé seule de la date de la tenue du congrès du parti, prévu pour les 19 et 20 décembre prochains dans le fief bourguibiste de Monastir. Elle propose par ailleurs « la désignation d’une personnalité indépendante » pour veiller aux préparatifs dudit congrès.


Une décision qui laisse perplexe jusque dans le camp de Hafedh Caïd Essebsi, « nul n’était indépendant dans ce pays », rétorquent les critiques. Le congrès sera surtout constitutif et non électif… Une mesure lourde de sens, qui tend à corroborer la logique putschiste.  


 


Marzouk, imperturbable


Comme pour enfoncer le clou et narguer ses rivaux, la veille de cette réunion, Mohsen Marzouk rencontrait le 11 novembre le fraîchement arrivé à Tunis nouvel ambassadeur des Etats-Unis, Daniel Rubinstein. Pour quelqu’un à qui on fait essentiellement un procès d’intention en « intelligence avec une puissance étrangère », le pied de nez est pour le moins évident.  


Côté diplomatie US, le geste est significatif : il s’agit de la deuxième personnalité politique que l’ambassadeur américain rencontre depuis son arrivée, après Rached Ghannouchi. C’est en soi une indication que les USA tiennent à respecter les structures légales des partis, Marzouk étant jusqu’à nouvel ordre le secrétaire général du premier parti du pays.


Jeudi soir, la députée Nidaa Ons Hattab, proche de Hafedh Caïd Essebsi, a prétendu sur un plateau télévisé que quatre des trente-deux députés dissidents étaient revenus sur leur décision de quitter le bloc et le parti, ce qui fut aussitôt contesté par Jalled. Sans en apporter la preuve, une partie de la presse avance le chiffre de « 150 000 dinars par tête » offerts par l’un des mécènes du parti pour rejoindre un groupe tiers, tout en restant sous la dénomination Nidaa. Voilà qui n’est pas pour redorer la confiance des Tunisiens en leurs élites politiques.


 


Seif Soudani