La Goulette : des riverains dénoncent des perquisitions arbitraires
La deuxième nuit consécutive de couvre-feu décrété sur le Grand Tunis n’a pas été de tout repos pour la Goulette. Les habitants de ce paisible quartier de la banlieue nord de la capitale ont vécu « une nuit cauchemardesque » : d’innombrables perquisitions musclées ont résulté en des dizaines de portes défoncées et autant d’arrestations arbitraires. Récit d’Amal Attia, activiste de gauche.
Les témoignages d’incompréhension se multiplient sur les réseaux sociaux. 48 heures après l’attentat suicide de l’Avenue Mohamed V, le ministère de l’Intérieur se gratifiait déjà de plus de 500 perquisitions, essentiellement concentrées sur les ceintures les plus pauvres de la banlieue ouest de Tunis. Cela n’a pas suffi à rassasier des autorités policières soucieuses d’afficher des résultats au plus vite : dans la nuit de jeudi à vendredi 27 novembre, les descentes de police se sont étendues à la Goulette, zone en bordure de mer a priori non connue pour abriter des éléments radicaux.
Des jeunes femmes mises en joue et terrorisées
« J’ai été réveillé avec une arme pointée sur mon visage et sur chaque membre de ma famille vers 2h00 du matin », raconte Amal Attia, artiste et militante du Front Populaire. « Non ce n'est pas une blague. Vous ne pouvez pas imaginer à quoi ça ressemble et ce qu'on ressent », poursuit la jeune femme.
Egalement activiste de gauche, Monia Abid décrit les mêmes « scènes absurdes » : « Je voudrais m’adresser à notre gouvernement, est-ce ainsi que vous comptez combattre le terrorisme ? Ceux qui sont censés nous protéger ont détruit cette nuit toutes les portes se trouvant sur leur passage. A quoi bon emmener nos hommes et nos enfants à 3h du matin à el Gorjéni [brigade antiterroriste, ndlr] si c’est pour noter leurs noms et adresses et les relâcher ? Comment pourra-t-on demain faire la distinction entre police et terroristes qui nous attaqueraient de la même façon ? »
Une centaine d’assignations à résidence
En application du décret n° 50 de l’année 1978 daté du 26 janvier 1978 relatif à la réglementation de l’état d’urgence et ainsi qu’il est mentionné dans l’article 5, le ministre de l’intérieur a indiqué dans la matinée de vendredi avoir pris 92 décisions de résidence surveillée concernant les personnes de retour de Syrie et d’Irak et classés comme étant dangereux par les autorités, tout en indiquant que cela n’est qu’un début.
En droit pénal, la résidence surveillée est une peine judiciaire alternative à la prison, ordonnant à une personne de rester vivre dans le périmètre d'un territoire donné, lequel peut même se limiter à son domicile, limitant strictement sa liberté de circulation. En Tunisie, exiger une signature quotidienne au poste de police était fréquemment pratiqué par l’ancien régime contre les dissidents politiques, mesure généralement assortie d’une limitation des communications.
Dans les quartiers défavorisés, mais aussi désormais parmi la classe moyenne, le ressentiment est grandissant contre le regain de violence des méthodes de la police, qui font davantage penser à des représailles vindicatives et des bavures plutôt qu’à une action concertée d’un Etat de droit.
Seif Soudani