Parti au pouvoir, Nidaa Tounes prend l’eau
Défections, démissions en cascade, tribunes assassines, clivages dissidents… Ces dernières 24 heures, Nidaa Tounes part en vrille. En ayant su temporiser, Mohsen Marzouk a su pousser son rival à la faute. En voulant faire le forcing et s’accaparer le parti, Hafedh Caïd Essebsi aura sabordé le parti.
Mise à jour 18h30 : Les derniers échos depuis l'Assemblée font état d'un chiffre qui pourrait atteindre "bientôt 53 élus démissionnaires du bloc Nidaa Tounes…". Dernières défections : les députées Leila Chettaoui et Zohra Driss gèlent également leurs activités dans le parti.
Béji Caïd Essebsi aurait tenté d'entrer en contact avec Mohsen Marzouk. Celui-ci aurait refusé, d'après une source proche de l'intéressé, et aurait exigé la démission de Hafedh Caïd Essebsi comme préalable à toute négociation".
Hamadi Redissi : « Nidaa, un RCD bis »
« Le RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), c’était le PSD (le Parti Socialiste Destourien), moins la classe. Nidaa est un RCD également épuré des historiques, la vulgarité, en plus ». La citation n’est pas d’un membre des Ligues de protection de la révolution, mais celle de Hamadi Redissi, intellectuel laïque moderniste qui s’était engagé dans la fondation de Nidaa Tounes dès 2012, et qui signe le 12 janvier une violente diatribe contre ce même parti qu’il accuse de corruption.
Il faut dire que rien ne va plus depuis le congrès de Sousse qui, prévisible, a conforté la « ligne filiale », en conférant les pleins pouvoirs à Hafedh Caïd Essebsi et ses plus proches alliés, l’aile la plus affairiste du parti.
Premières à partir, les élues féministes telles que Leila Hamrouni et Sabrine Goubantini, qui ont signé une lettre de démission commune dénonçant littéralement « les atrocités du congrès de Sousse ». Les images de Rached Ghannouchi véritable attraction du congrès, déambulant et prenant des selfie avec les sympathisantes Nidaa ont visiblement marqué les esprits…
Emboîtant le pas à d’autres poids lourds dont les élus Bochra Belhaj Hamida et Hassouna Nasfi, c’était au tour de Faouzi Elloumi, un des financiers du parti, de claquer la porte mardi soir, alors même qu’il fut désigné dans le nouveau bureau politique à Sousse. Dans un texte incendiaire en forme de manifeste, il annonce la création d’un nouveau mouvement appelé « al Amal » (l’Espoir).
Mais l’hécatombe ne s’arrête pas là : Mahmoud Ben Romdhane, désigné ministre des Affaires sociales au dernier remaniement, a à son tour annoncé mercredi « sa démission de toutes les instances de Nidaa Tounès et, même, de sa qualité de membre de ce parti».
Ben Romdhane est l’un des membres fondateurs de Nidaa, qu’il en a présidé la Commission économique est sociale dès juin 2012, puis coordinateur d’une équipe d’experts pour l’élaboration du programme économique et social du parti.
Enfin, Saïd Aidi, maintenu au ministère de la Santé, a annoncé sur sa page Facebook le gel de son adhésion au bureau politique de Nidaa Tounes. Deux semaines auparavant, il avait pourtant fait allégeance au camp Hafedh, en dénonçant une « campagne haineuse » contre le fils du président de la République. L’homme appelle à une réforme de l’intérieur en vue de « réhabiliter l’image sinistrée du parti ».
Etrange situation que de se retrouver avec un gouvernement d’indépendants, portés au pouvoir par le parti politique vainqueur des élections de 2014, mais déjà désintégré en plein vol.
S.S