La fin de Nidaa Tounes précipitera-t-elle des élections anticipées ?

 La fin de Nidaa Tounes précipitera-t-elle des élections anticipées ?

Rached Ghannouchi


 


Le naufrage de Nidaa Tounes s’accélère, notamment après la défection lundi d’Abdelaziz Kotti, qui renonce à son nouveau poste de porte-parole du parti, et l’échec de la « réunion de la dernière chance » entre Mohsen Marzouk et Béji Caïd Essebsi. Dans les rangs de la classe politique, l’éventualité d’élections législatives anticipées est désormais prise très au sérieux.


 


Le rouleau compresseur des départs continue de démanteler à vitesse grand V le parti au pouvoir. Selon des insiders et des proches de Mohsen Marzouk, la discrète rencontre voulue par Béji Caïd Essebsi et l’ex secrétaire général de Nidaa le 18 janvier s’est soldée par une fin de non-recevoir émise par ce dernier, lorsque le président de la République lui a demandé de réintégrer le parti en vue de sauver ce qui pouvait encore l’être.


Sur sa page officielle, Marzouk s’est contenté d’un laconique « Le projet continue… », signe que son nouveau parti est déjà sur les rails.


Pour son lancement, l’homme n’a pas choisi par hasard la date et le lieu, le 2 mars prochain à Ksar Hellal. Jouant jusqu’au bout sur les référentiels historiques, il tente ainsi de s’accaparer le symbole de cette date commémorant la fondation du le Néo-Destour, le 2 mars 1934, dont le premier congrès avait été organisé dans la maison d’un proche d’Habib Bourguiba, Ahmed Ayed, notable de Ksar Hellal, à la suite d’une scission du Destour par un groupe de jeunes intellectuels dont Bourguiba, Mahmoud El Materi, Tahar Sfar et Bahri Guiga.


 


« The elephant in the room »


Fait nouveau depuis lundi, dénoncer l’encombrant fils du président n’est plus un tabou, y compris dans le camp des destouriens, seul survivant de la débâcle du parti. Ainsi Boujemaa Remili a reconnu lundi la nécessité de « sacrifier le droit de Hafedh Caïd Essebsi à exercer un rôle politique ». Quant à Lazhar Akremi, il a même émis l’idée de confier à Essebsi junior un poste à l’étranger, le temps de se faire oublier.


Invité le même jour par RTCI, Omar Shabou, l’un des cofondateurs de Nidaa Tounes, a tenu des propos péremptoires : « Nidaa Tounes n’est pas en phase de désagrégation, Nidaa Tounes c’est fini », a concédé l’homme qui le premier avait brisé le tabou de la sénilité du président, ce qui lui avait valu d’être exclu du parti. « A partir du moment où il a été élu à Carthage, Béji Caïd Essebsi s’est pris pour Zeus. Son erreur a été d’imposer son fils », a ajouté Shabou.


L’ancien patron du journal le Maghreb a aussi eu des mots durs pour Mohsen Marzouk « homme des officines étrangères » selon lui, notamment « le Qatar et la CIA ».


Pour Shabou, fin connaisseur de la scène politique tunisienne, la tenue d’élections législatives anticipées est inéluctable, suggérant qu’un président de la République aussi affaibli doit impérativement dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple, conformément à la Constitution, et étant donnée la décomposition du parti majoritaire qui a perdu toute légitimité.  


A l’approche de son 10ème congrès qu’il prépare méthodiquement et de façon parfaitement démocratique, Ennahdha a un boulevard, avec ou sans dissolution de l’Assemblée, pour régner en maître sur une scène politique laminée par les dissensions, le parti de Rached Ghannouchi ayant su temporiser et attendre son heure. S’il rechigne toujours à prendre les rênes du pouvoir, il s’impose plus que jamais comme faiseur de rois.


 


Seif Soudani