L’un des économistes de l’ancien régime, nommé Premier conseiller du président de la République
Si en trois ans, l’ancien président Moncef Marzouki avait procédé à d’innombrables changements au sein de son équipe, le président Béji Caïd Essebsi est en passe de le supplanter en seulement une année de mandat, tant le « turnover » ainsi que le nombre de conseillers est important. Le nouvel arrivant au Palais, Ridha Chalghoum, nommé hier mercredi, n’est pas un inconnu : il s’agit du dernier ministre des Finances de l’ère Ben Ali… Portrait.
Un bref communiqué annonçait le 17 février 2016 que le chef de l’Etat Béji Caïd Essebsi a désigné Mohamed Ridha Chalghoum, comme conseiller auprès du président de la République, chargé du suivi des réformes économiques.
Originaire de Gafsa, Ridha Chalghoum a été décoré par l’ex dictateur Ben Ali chevalier de l'Ordre de la République. A première vue, son CV indique qu’il a le parcours d’un technocrate resté au pays et ayant pragmatiquement composé avec l’ancien régime. En réalité, l’homme est allé plus loin que cela.
Il est titulaire d'un diplôme d'études supérieures, spécialité financement du développement. Auparavant, il étudie à la faculté des sciences économiques et de gestion de Sfax, où il obtient une licence en sciences économiques, ainsi qu'à l'Institut de défense nationale.
Il est président du Conseil du marché financier lorsqu’il est désigné en septembre 2006 membre du Conseil économique et social qui venait d’être restructuré par Ben Ali.
Il fait dans un premier temps son entrée au ministère des Finances en tant que chef de cabinet du ministre, directeur général des avantages fiscaux et financiers et directeur de l'épargne et du marché financier.
Un an jour pour jour avant la révolution, aux pires heures de la dictature, le 14 janvier 2010, soit quelques mois après les élections les plus iniques que le pays ait connu (5ème mandat de Ben Ali) il devient ministre des Finances, poste qu'il conserve étonnamment jusqu'au 27 janvier 2011, alors que les personnalités politiques ayant exercé des responsabilités politiques dans les anciens gouvernements du régime Ben Ali sont systématiquement remplacées.
Chalghoum doit alors sa survie politique à son réseau d’amitiés dans l’establishment qui avait piloté l’éphémère « gouvernement d’union nationale » auquel il a accepté de prendre part.
Il est ainsi successivement membre des gouvernements « Mohammed Ghannouchi 1 » et « Ghannouchi 2 ».S’il s’est fait oublier depuis 2011, Ridha Chalghoum est resté PDG de la Société tunisienne de garantie qui gère des fonds de garantie provenant essentiellement de l'État tunisien, de la Banque mondiale, de l'Union européenne et de l'Agence française de développement.
Dans le contexte des procès suivant la chute du régime Ben Ali, il est entendu par la justice le 4 avril 2011, mais reste en état de liberté. Parmi les questions du juge, les relations privilégiées que Ridha Chalghoum entretenait avec Sakhr Materi. Le 28 mai 2010, le ministre était tout sourire lors de l’inauguration en grande pompe de la Banque Zitouna, qui signait l’entrée du genre de l’ex dictateur dans le secteur de la finance islamique.
Après la nomination de Firas Guefrech également en tant que conseiller du président, celle de Chalghoum scelle la mainmise de l’ex RCD et du camp des « anciens » sur le Palais.
Seif Soudani