Hezbollah VS pays arabes, suite et fin…
En 24 heures consécutives à la classification à Tunis du Hezbollah comme entité terroriste par le conseil des ministres de l’Intérieur arabes, médias et partis politiques tunisiens s’en sont donnés à cœur joie : tous n’ont pas de mots assez durs pour cette décision, rivalisent soudainement d’antisionisme militant, mais passent totalement sous silence les exactions bien réelles de la milice chiite en Syrie.
Au premier vendredi post cessez-le-feu conclu en Syrie, des manifestations spontanées de civiles ont sillonné le sud Damas mais aussi la province d'Idlib, appelant à la chute du régime Al Assad, via des slogans inchangés depuis 2011, lorsque les premières marches de ce type avaient été réprimées dans le sang. Jeudi 3 mars a aussi connu son lot de manifs anti Assad dans la capitale syrienne.
C’est une grande leçon de détermination que donne à voir le peuple syrien, et accessoirement une surprise pour les adeptes du révisionnisme et de « la complication du cas syrien », qui expliquent depuis des années que la Syrie est une exception géopolitique qu’on ne saurait qualifier de révolution populaire. En réalité, à la moindre trêve, dès que le peuple syrien est en mesure de s'exprimer, il le fait, et avec quel brio…
En Tunisie, l’épisode du Hezbollah VS pays arabes a eu pour effet de révéler le profond tabou idéologique qui règne autour du régime baathiste, « the elephant in the room ».
Beaucoup se gargarisent de la prétendue exception souverainiste algérienne, alors que nous savons de source sûre que le ministre algérien de l’Intérieur, présent à la réunion du 2 mars, ne s’est pas abstenu lors du vote, un vote de toute façon plus symbolique que réellement porteur de conséquences pratiques. D'autres utilisent des photos avantageuses de Béji Caïd Essebsi pour relayer la rumeur selon laquelle il aurait été contre la décision en question. C'est que nous affectionnons le mythe du chef qui a dit « non » !
Mais Parmi l'avalanche d'indignations et de commentaires d'insultes quasi unanimes dans la presse et la classe politique tunisienne concernant la classification du Hezbollah, aucun, absolument aucun média ni parti politique ne mentionne le rôle meurtrier du Hezbollah en Syrie. Aucun, sauf certains responsables d'Ennahdha, comme Samir Dilou et Abdellatif Mekki, les seuls à rappeler ce rôle criminel de la milice chiite depuis 2012.
C'est là que réside l'un des paradoxes aberrants de la société civile tunisienne, qui a laissé en l'occurrence la question des droits de l'homme à un parti politique.
Le monde a changé, nul n'est sacré, Beyrouth et le sud Liban ne sont pas Alep et Al-Qusayr. Le libérateur d'hier est devenu l'oppresseur d'aujourd'hui.
Seif Soudani