Officialisation d’Al-Irada. Quel avenir pour le parti « anti corruption » ?
Le parti Tounes Al-Irada a enfin obtenu lundi 2 mai 2016 son visa légal, a fièrement annoncé Adnène Mansar, membre du comité politique du parti. L’occasion de faire le point sur les aspirations et la difficile genèse du nouveau parti de Moncef Marzouki qui se propose comme « troisième force », alternative au tout puissant duo Ennahdha – ancien régime.
Né en pleine normalisation de la corruption
« Nous sommes nés pile entre la fête du travail et la Journée mondiale de la liberté de la presse… », tout un symbole dont se félicitent les militants d’Al-Irada.
Des valeurs conformes à celles de l’ancêtre du nouveau-né le CPR, du moins l’un de ses ancêtres, car les fondateurs, plus d’une soixantaine, revendiquent une filiation multiple. Tous s’accordent à dire néanmoins qu’ils comptent occuper la sinistrée famille de « la gauche sociale ». Un euphémisme ? Pas vraiment, lorsque l’on connait le paysage politique en Tunisie où la gauche est accusée comme en France d’avoir délaissé les questions d’équité sociale au profit de la défense radicale du mode de vie sociétal.
Lors de notre rencontre avec l’universitaire Lamine Bouazizi, l’un des constituants du parti et tête pensante chargé d’un ambitieux projet de formation des jeunes d’Al-Irada, il nous a confié : « Je n’ai pas le profil d’un politicien rompu à l’action partisane, mais j’ai l’intime conviction que ce parti doit non seulement exister mais continuer à peser et jouer au minimum un rôle clé de régulateur de la vie politique tunisienne. Autrement celle-ci basculerait dans un bipartisme stérile et sans représentant des forces issues de la révolution ».
Souverainisme de gauche
Car au-delà de la simple régularisation administrative du 2 mai, le parti entre via son comité politique de plain-pied dans le débat politique essentiel du moment. A l’issue de sa réunion les 30 avril et 1er mai 2016, il a accusé la coalition au pouvoir de s’acheminer « vers la mise en place d’un gouvernement qui « normalise » la corruption et qui parie sur un modèle de développement basé sur la dépendance » vis-à-vis des institutions financières internationales.
Concernant un autre sujet brûlant, celui du règlement du passé et du legs de l’ancien régime, le même comité a estimé que « la vraie réconciliation devra être fondée sur la loi de la justice transitionnelle dans le cadre de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) ».
Le parti rejette par ailleurs « toute tentative de porter atteinte aux constantes et valeurs du pays et à son référentiel culturel », allusion à la montée au front de la communauté LGBT tunisienne qui mène récemment un agenda de plus en plus militant.
Le parti a déploré enfin « l’absence d’un plan de sauvetage qui devra allier entre des réformes économiques fondamentales et une stratégie nationale de lutte contre la corruption », tout en se montrant solidaire des revendications des jeunes sans emploi qui poursuivent leur mouvement de protestation devant le siège du ministère de la Formation et de l’emploi à Tunis.
Reste la concurrence du parti Attayar de Mohamed Abbou, l’autre versant de cette gauche dite sociale, et la dispersion de grande famille des « démocrates ». Une fois de plus cette dernière se présentera en ordre dispersé au prochain test électoral avant la fin 2016, celui des municipales, essentiellement pour des questions d’ordre idéologique et de proximité avec l’islam politique.
Seif Soudani