Un livre pour cesser le déni sur l’Etat Islamique

 Un livre pour cesser le déni sur l’Etat Islamique

« L’Etat Islamique est une révolution » de Scott Atran (anthropologue franco-américain


 


Nos dirigeants politiques font fausse route quand il s’agit de réagir aux attaques de l’EI. Dans son livre « L’Etat Islamique est une révolution », paru aux éditions Les Liens Qui Libèrent, Scott Atran considère même que « nos efforts pour le combattre semblent, au contraire, l’attiser ».


 


Pour appuyer son raisonnement, l’anthropologue franco-américain, directeur de recherche au CNRS, a réalisé une étude des comportements de jeunes à Paris, Londres et Barcelone, ainsi que des combattants de l’Etat Islamique capturés en Irak. Et plus précisément une étude réalisée après les attentats de janvier 2015 sur le soutien, en France et en Espagne, aux valeurs professées par l’EI.


 


Déni


« Un projet profondément séduisant, visant à changer et à sauver le monde ». C’est de ça dont il s’agit essentiellement selon Scott Atran. Et de rien d’autre. Le cœur du combat est idéologique. Il est urgent de cesser de sous-estimer la capacité d’attraction de l’Etat Islamique. Or « en Occident, on cultive le déni », précise l’auteur, « il est de notre devoir de comprendre ».


 


Trouver une identité solide


« L’EI n’est pas un simple refuge pour marginaux délinquants. » Scott Atran nous rappelle ici que « ce qui importe dans les succès révolutionnaires, c’est l’engagement pour la cause et la notion de camaraderie. » L’Etat Islamique ne déroge pas à la règle. « Les individus se radicalisent afin de trouver une identité solide dans un monde qui s’aplanit », écrit l’anthropologue, « Ils ont quitté le domicile de leurs parents, ils cherchent une nouvelle famille (…) afin de donner du sens à leur vie », « ils se sentent rejetés à la fois par le pays dans lequel ils vivent et par leurs pays d’origine ».


 


Combat et sacrifice


Scott Atran pousse son analyse jusqu’à une comparaison qui peut surprendre, dans un chapitre intitulé « Nazisme et Etat Islamique ». Il cite alors Georges Orwell : « Hitler sait que les être humains ne désirent pas seulement le confort, la sécurité, moins d’heures de travail et une meilleure santé… et en général du bon sens ; ils veulent aussi, au moins de façon intermittente, du combat et du sacrifice ».


 


Un meilleur pari


Au delà du sombre constat, Scott Atran propose des pistes de réflexion. « Ce dont nous avons besoin, c’est d’une nouvelle stratégie militaire, politique et psychologique », écrit-il. « Donner de l’importance et de la légitimité aux très nombreux musulmans opposés à l’EI (…), voilà qui serait probablement un meilleur pari ». Scott Atran glisse ensuite un mot sur les réfugiés syriens : « nous aurions intérêt à célébrer la diversité et la tolérance (…) mais la tendance générale en Europe est de s’entendre pour la détruire. » Enfin, l’auteur souligne l’absence et le silence des intellectuels, « susceptibles d’avoir un impact sur nos principes moraux ». La question est posée et reste en l’air.


 


Chloé Juhel


« L’Etat Islamique est une révolution » de Scott Atran, paru aux éditions Les Liens Qui Libèrent