L’Union européenne et la Tunisie fêtent 40 ans de coopération
L’Union Européenne et la Tunisie entretiennent des relations séculaires, souvent passionnelles et tourmentées. Les liens de coopération dite « globale » datent quant à eux plus exactement de quarante ans. Le panel organisé le 24 mai au Palais des Congrès à Tunis à l’occasion du quarantième anniversaire de l’accord de coopération signé en 1976 entre la Tunisie et l’UE a permis de dresser le bilan de cette coopération.
« Travailler aux côtés du gouvernement tunisien tout en l’aidant à relever les défis auxquels il est confronté est important pour l’UE, et pas seulement sur le plan économique », a affirmé l’ambassadeur de France à Tunis François Gouyette, visiblement soucieux de rompre avec le stéréotype d’une simple aide financière UE – Maghreb. Ainsi « l’emploi, l’éducation, la santé, le développement régional, la justice, les medias, l’appui de plus en plus important du secteur privé et l’investissement » sont autant d’axes prioritaires.
Des échanges en nette hausse, en volume et en ambitions
La mobilisation européenne envers la Tunisie depuis la Révolution de 2011 a connu une mutation quantitative et qualitative. Le soutien financier accordé par l’Union à la Tunisie qui a triplé entre 2011 et 2015 pour atteindre un milliard d’euros.
Une somme qui traduit manifestement l’engagement résolu de l’UE envers les réformes engagées par le pays, mais aussi « une façon de se rattraper des erreurs du passé », note un intervenant, allusion au soutien de certains gouvernements, dont celui de la France fin 2010, à la répression des mouvements sociaux, et plus généralement leur frilosité dans la dénonciation des régimes autoritaires au fil des décennies.
Axe majeur du panel d’hier mercredi, le renforcement de l’Etat de droit. « La coopération en matière de justice est une composante essentielle de la politique européenne de voisinage », a noté l’ambassadeur d’Allemagne à Tunis. En témoigne aussi l’intérêt que porte l’UE envers les instances constitutionnelles, ces entités censées réguler le pouvoir pour mieux garantir la bonne gouvernance.
Premiers donateurs dans le domaine de la gouvernance, de la justice et de l’Etat de droit, les Etats membres de l’UE ont poursuivi en 2015 la mise en œuvre de leur programme d’appui à la réforme de la justice (PARJ) pour un budget de 25 millions d’euros. L’objectif de ce programme ambitieux est le renforcement consiste en un appui à la transition démocratique à travers notamment l’engagement de réformes conformes aux standards européens et internationaux.
Pour le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, Chawki Tabib, le bilan de la coopération Tunisie-UE dans le domaine de la justice est « aujourd’hui globalement positif ». Constat non corroboré cependant par certains participants à ce panel qui ont, entre autres, critiqué le manque de soutien de l’UE à d’autres instances indépendantes qu’elles soient provisoires ou permanentes.
Une militarisation controversée
Concernant le volet sécuritaire, les participants ont souligné que la lutte antiterroriste ne doit en aucun cas servir de prétexte pour restreindre les libertés individuelles et publiques appelant à allier justice, sécurité et lutte antiterroriste dans un Etat respectueux des droits humains. Une affirmation plutôt courageuse en ces temps de climat délétère enclin aux régressions en matière d’universalisme dont le retour massif à la peine de mort.
L’ambassadeur de France à Tunis a enfin rappelé le quadruplement de l’aide militaire accordée par son pays à la Tunisie en vue de « faire face à la nouvelle donne caractérisée notamment par la recrudescence des menaces terroristes et la prolifération des groupes djihadistes ».
L’aide militaire qui était de l’ordre de 2,5 millions d’euros par an a en effet été portée à 10 millions d’euros… Une progression exponentielle de l’exportation du militarisme occidental, critiquée par certains think-tanks américains, notamment Foreign Policy qui titrait récemment : « Tunisia’s Getting More Guns Than Democracy ».
Seif Soudani