« 600 euros », une production maison
Sortie du film « 600 euros », ce mercredi 8 juin, une première fiction aux accents politiques de l’auteur-réalisateur-cadreur-monteur, Adnane Tragha, tournée avec les moyens du bord à Ivry-sur-Seine.
Avec la démocratisation des outils cinématographiques, on voit fleurir des productions réalisées en dehors des sentiers balisés. Autoproduits, se passant des aides officielles délivrées par le Centre national du cinéma, ces films se retrouvent toutefois souvent confrontés à un processus de production plus long. Le tournage et le montage s’étalent sur plusieurs années, retardant d’autant la sortie.
Ainsi, 600 euros était déjà programmé dans une première version lors de l’édition 2013 du festival les Pépites du cinéma mais il a fallu attendre qu’Adnane Tragha, son auteur-réalisateur-cadreur-monteur, crée sa propre structure pour la distribution pour le voir sur les écrans.
Le parcours de ce dernier est atypique. A 40 ans, après des études d’économie et des années d’enseignement, il se consacre à l’audiovisuel avec Hicham, son jumeau, en produisant des vidéos et des clips pour le Web.
Remarqués par Luc Besson, ils réalisent les making-of de ses films avant de monter tous ensemble une petite société de production. Désormais hébergés à la Cité du cinéma à Saint-Denis, les frères se partagent entre projets persos pour le cinéma (Hicham Tragha prépare également son premier long-métrage) et vidéos de films institutionnels et corporate. Un sens de la débrouille qu’on retrouve chez de nombreux aspirants cinéastes, notamment chez ceux issus des quartiers populaires. Car c’est aussi le projet revendiqué d’Adnane Tragha pour son film: donner à entendre une voix différente.
Tourné à Ivry-sur-Seine, 600 euros fait ainsi jouer des comédiens du cru autour de l’élection présidentielle de 2012, pivot central du scénario puisque tout est censé se dérouler entre les mois d’avril et mai. On y croise Marco, un chanteur désabusé qui tente de joindre les deux bouts (d’où le titre du film), Leïla, une jeune militante socialiste à la recherche d’un logement, un ancien militant communiste devenu partisan FN… Une BO signée Ridan. La question politique irrigue le propos. Au point de faire figurer les acteurs au sein de véritables événements comme un meeting de François Hollande ou la célébration de sa victoire place de la Bastille.
Le croisement opéré entre questions sociales et engagement politique est amené de façon habile par le réalisateur qui ne force jamais trop le trait. L’idée étant de dévoiler le portrait le plus juste de personnages ballottés entre désillusion et espoir, soumission et insoumission.
Le tout avec suffisamment d’humour et de légèreté pour ne pas plomber le projet. Et surtout sans chercher à délivrer un message univoque comme en témoigne la dernière scène, clin d’œil au final de Pierrot le fou, autre film éminemment politique de Jean-Luc Godard. L’occasion aussi d’entendre à nouveau la petite musique de Ridan, auteur de la bande-originale, dont on est sans nouvelles depuis plusieurs années.
Abdessamed Sahali