« L’odeur des planches », la longue marche vers le mépris de soi
Samira Sedira raconte son histoire dans cet ouvrage. Elle est née en Algérie, a grandi en France, a été formée à l’Ecole du Centre dramatique national de Saint-Etienne. Elle a exercé le métier de comédienne avant de devoir faire le ménage pour payer les factures à la fin du mois. Le même métier que sa mère.
Ce livre pose plusieurs questions : celle du déracinement, du chemin vers la détestation de soi, et du lien entre les deux (prendre conscience que l’on est « devenue » sa mère). Il y a d’abord le mal du pays vécu par la mère de l’héroïne, le déracinement : « la question obsédante de son identité troublée », « l’espoir, le mythe entretenu d’un retour, la carotte des exilés », l’auteur évoque même « un arbre déterré, sec, mort ».
La détestation de soi-même
Samira Sedira raconte ensuite la découverte de la scène: « Je sentais le pouvoir que j’avais sur les autres, la manière radicale dont je réussissais à les capter, un moment de grâce absolue, le bonheur d’être regardée, aimée». Un passage assez court dans le livre, qui laisse vite place à une descente aux enfers, une longue marche vers le mépris de soi, lorsque l’écrivaine devient femme de ménage : « dans une société où n’a de valeur que celui qui existe par le travail, je ne suis plus rien, oualou, du vent, tout vaut mieux que moi, même un coin de table ». « C’est dans ces moments-là que le mépris de soi creuse ses fondations. Je ne suis rien puisque je suis traitée comme tel. Femme de ménage, le seul métier qui donne droit au don d’invisibilité ». « De la douleur d’exister, de la détestation de soi-même, vivre avec soi : le pire des supplices ». Ironie du sort, l’auteur est devenue une « servante », terme qui, au théâtre désigne la petite ampoule qui reste « allumée sur le plateau quand tout le monde est parti ».
OS
Samira Sedira raconte le jour où son fils comprend le métier qu’elle fait : « j’ai un pincement au cœur. Je le déçois. Je lui dis que oui, pour l’instant, c’est ça mais que ce n’est pas mon vrai métier, qu’un jour peut-être je l’emmènerai avec moi dans un théâtre. Il ne répond rien. Il a un regard étrange, un air sérieux, tout ça mêlé de déception et d’une vague tristesse. » Un passage qui fait écho avec le moment où l’auteur découvre le métier de son père et le jour où elle comprend ce que signifie véritablement OS.
Chloé Juhel
« L’odeur des planches » de Samira Sedira, paru aux éditions « La brune au rouergue »