Colloque sur l’Amazighité : Quelques réponses à des temps troubles

 Colloque sur l’Amazighité : Quelques réponses à des temps troubles


Douloureux hasard du calendrier, l’ouverture du colloque sur l’amazighité organisé en marge du festival Timitar d’Agadir a coïncidé avec l’horrible carnage de Nice. Où est le rapport nous rétorquera-t-on ? Et, bien, il faut juste savoir qu’au-delà des paroles de compassion émises à l’occasion, c’est bien la lutte contre les discours ambiants qui divisent, stigmatisent, attisent peur et haine qui a traversé en filigrane les débats de la rencontre à laquelle assistaient de nombreuses personnalités issues de divers horizons et à leur tête, Aziz Akhannouch, une figure bien connue du monde amazigh. 


La vraie question à laquelle il faudra tôt ou tard trouver une réponse : c’est pourquoi l’islamisme radical, les revendications identitaires violentes trouvent autant de succès en France alors que le djihad faisant son lit dans le terreau de l’islamisme, cette maladie de l’Islam devrait d’abord faire plus de mal, ici que là-bas.  Ce n’est pas le sujet de la rencontre, certes, mais comment éluder, une question qui s’invite presque par effraction. La nature ayant horreur du vide, le succès des prêcheurs radicaux est en partie dû à l’absence de gestion politique (officielle) du culte et des revendications identitaires des populations d’origine arabo-musulmane. Bien que traitant d’amazighité, sans le savoir, les intervenants s’étaient donné le mot pour lever le voile sur des questions qui apportent un semblant de réponse au désarroi des experts qui ne savent plus où donner de la tête sur des sujets brûlants d’actualité. On s’attendait à un débat musclé sur les revendications identitaires, on a eu des exposés marqués par l’apaisement des revendications identitaires, une explication de texte salutaire sur les raisons qui font du royaume un havre de paix dans un monde profondément inquiet. En s’aventurant sur le terrain miné des identités, il n’y a pas 36 voies, il y a celle des identités meurtrières, celles du « nous et eux » ou encore, » celles du « nous contre eux » et il y a la troisième voie, celle où s’affirmenos différences qui sont tout à fait compatibles avec « les leurs ». La réponse apportée par le Maroc où vivent en symbiose, juifs et musulmans, Berbères et Arabes depuis des siècles, en est bien la preuve. »


En effet, sur la question épineuse de l’amazighité, le royaume a fait le pari risqué de promouvoir des « identités inclusives » tout en imaginant une société commune qui soit le fruit d'un processus à la fois ascendant et descendant, fait de coopérations, de compromis, d'apprentissages réciproques, de confrontations pour in fine constituer le socle commun d’une nouvelle forme d'universalité au bénéfice de tous ». Si les souverains alaouites avaient tous tenu à marquer par des liens de sang leur attachement à la population berbère du pays, c’est sous le règne de Mohammed VI que la question de l’Amazighité va devenir centrale dans la politique du pays. Comme l’explique Ahmed Boukous, le directeur de l’IRCAM, avant d’être inscrite noir sur blanc dans le socle de la nouvelle constitution comme composante majeure de l’identité marocaine, l’amazighité s’est consolidée étapes par étapes, du discours royal d’Ajdir de 2001 à l’ouverture de l’institut pour la culture amazighe en passant par l’officialisation de la langue ou encore par le lancement d’une télé amazighe qui s’est rapidement positionnée comme une chaine de proximité par excellence.


Driss Khrouz, le directeur de la bibliothèque nationale a bien résumé la consolidation d’une culture marocaine plurielle en faisant remarquer que « cette culture n’est pas seulement, arabe, comme elle n’est pas seulement amazighe, mais elle est beaucoup plus que cela, il s’agit plutôt d’une maturation à laquelle ont contribué d’autres apports culturels de l’Andalousie chrétienne, juive, musulmane ». 


Tous ces actes forts symbolisent une véritable prise en charge de l’identité des Berbères qui a désamorcé toutes les dérives du communautarisme que vivent d’autres pays avec leur composante berbère comme l’expliquait finement une des intervenantes du colloque qui fut jusqu’à une date récente doyenne de la fameuse université de Tizi Ouzou avant d’être rétrogradée au rang de prof en raison de son franc-parler en faveur de la culture kabyle. Chez nos voisins, à l’instar, des jeunes binationaux issus de l’immigration en Europe, à qui on fait souvent sentir aux qu’ils ne seraient que de passage dans leur propre pays, les Kabyles ont en bavé avec le pouvoir central algérien qui a tenté d’éteindre tout récemment le brasier en décrétant l’officialisation de la langue berbère. En conclusion, l’appel fait par l’assistance à l’engagement citoyen de tous pour une contribution commune à une culture marocaine multiple est d’une urgence absolue. Si cela passe par des actions concrètes pour promouvoir la culture du « vivre ensemble », c’est tant mieux.Quand les sages africains, clamaient « quand on marche tout seul, on va vite, mais quand on marche ensemble, on va loin », Victor Hugo, le pourfendeur de la bêtise humaine, rétorquait « les vieilles jalousies de race n’existent pas pour moi, je suis de toutes les races ».


Abdellatif El azizi