Nouveaux équilibres à l’Assemblée
Tunis – Lors d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple tenue mardi 19 juillet, une minute de silence a été observée en hommage aux victimes tunisiennes de l’attentat de Nice. Une nouvelle donne, politiquement importante, s’est surtout dégagée de cette assemblée générale : le vice-président de l’ARP Abdelfattah Mourou a en effet annoncé le ralliement de 4 députés au bloc parlementaire de Nidaa Tounes qui compte désormais 67 députés, une info qui ne devrait pas passer inaperçue. Retour sur les nouvelles forces en présence dans l’hémicycle.
Les membres qui viennent de se rallier au bloc Nidaa sont Fatma Mseddi du groupe parlementaire al-Horra, Lotfi Ali, Naceur Chenoufi et Ahmed Saïdi du groupe parlementaire social-démocrate. Avant eux, de nombreux députés qui avaient fait double volte-face, en revenant sur leur décision de démission du même groupe parlementaire, avaient accouru pour revenir dans le giron du parti présidentiel.
Probablement l’effet des bruits de couloirs à l’Assemblée, où on prédit que Nidaa Tounes reviendra sous peu aux affaires, avec une position gouvernementale renforcée, suite à l’imminent départ d’Habib Essid réclamé par la coalition au pouvoir. « Une majorité qui demande la tête de son propre chef de gouvernement, certes indépendant, cela ne s’était jamais vu », nous confie, ironique Iyed Dahmani, élu du parti al Jomhouri, encore à la tête de la commission des Finances de l’Assemblée jusqu’à octobre prochain.
A 67 députés aujourd’hui, Nidaa Tounes revient de loin. Mais Ennahdha toujours premier depuis la crise Nidaa, dépasse toujours ce dernier d’une courte tête : deux députés. Une avance purement théorique cependant, si l’on considère que le groupe des dissident de Nidaa, baptisé al-Horra, qui compte pas moins de 25 députés, est de moins en moins hostile à la coalition au pouvoir, et vote généralement favorablement la plupart des législations cruciales pour la majorité.
C’est ce qui explique la ligne politique d’Ennahdha, en réalité inchangée depuis les dernières élections de 2014 : à 69 députés contre virtuellement 67+25, on comprend mieux l’intérêt pour le parti à référentiel islamique de tenir à sa place confortable de deuxième parti de la coalition, au lieu de risquer une nouvelle majorité avec des alliés dont elle ne dispose pas, ou, au pire, être mis à l’écart par une autre majorité à droite, suffisante pour gouverner sans Ennahdha.
Mais à quel prix ? Pour se maintenir « aux affaires », le parti de Rached Ghannouchi a dû récemment concéder à reculons deux grandes mesures : le soutien désormais clair à la requête du départ de Habib Essid, jusqu’ici pourtant considéré comme personnalité amie du parti, et l’appui au passage en force du projet de loi dit de réconciliation économique.
Si le peu charismatique Essid venait à décider de recourir à l’Assemblée pour renouveler la confiance à son gouvernement, il se transformerait en révélation politique de la rentrée, et mettrai Ennahdha dans une posture très peu enviable…
« Ennahdha va s’amputer d’Essid. C’est une décision que le parti regrettera amèrement dans quelques mois ! », nous lance le leader de gauche Riadh Ben Fadhl. Wait and see…
Seif Soudani