« Les Chinois, même s’ils sont nés ici, ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière », Rui Wang, Président de l’AJCF

 « Les Chinois, même s’ils sont nés ici, ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière », Rui Wang, Président de l’AJCF

Rudi Wang


 


Rui Wang est le président de l’association des Jeunes Chinois  de France (AJCF). Il est l’un des initiateurs du rassemblement de dimanche dernier (14 août), où près de 4000 personnes sont venues devant la mairie d’Aubervilliers (93) pour crier leur ras le bol, après qu’une énième agression envers un des membres de la « communauté asiatique » ait eu lieu. Une agression qui a viré au drame puisque Zhang Chaolin, un Chinois de 49 ans est mort de ses blessures vendredi 12 août. Trois jeunes garçons l'ont roué de coups après lui avoir volé son sac à dos. Inquiet, Rui Wang lance un appel aux responsables politiques « avant qu’il ne soit trop tard ».


 


LCDA. Pourquoi avoir organisé ce rassemblement ?


Il s’agissait déjà d’un rassemblement spontané. Nous l’avons décidé la veille. Et nous comptons bien ne pas en rester là. D’autres choses sont prévues. Nous avons voulu nous rassembler pour envoyer un signal fort. Pour dire à tous que la communauté asiatique est unie et solidaire. La mort de Zhang Chaolin est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Que cela soit à Pantin, à Aubervilliers, à La Courneuve ou à Saint-Denis, toutes les familles, je dis bien toutes, ont eu au moins un des membres de leur famille qui a été agressé. Cela dure depuis quelques années. Dans une indifférence quasi-générale. Par exemple, dans la nuit du 13 au 14 juillet dernier, deux personnes ont été blessées à La Courneuve. Des Chinois qui s’étaient regroupés devant chez eux ont reçus des tirs de mortier. Quand les agressions sont trop nombreuses, il y a des réunions qui sont organisées avec les responsables politiques. Beaucoup de promesses qui ne sont jamais suivies d’actes concrets. Et puis, il y a un double discours. Devant les journalistes, les politiques disent qu’il faut faire confiance en la police, en la justice, et en privé, ils nous conseillent de « nous organiser ».


 


LCDA. « Vous organiser », c’est-à-dire ?


Ils nous conseillent de nous organiser afin de nous défendre nous-mêmes. De créer nos propres milices ! Ce que nous ne voulons, bien entendu, pas faire ! Mais j’ai peur que si la situation ne s’arrange pas, certains soient tentés par ce choix. Et je crois alors que tout le monde sera perdant. Des extrémistes de droite nous ont déjà contactés pour nous offrir leur aide. Une aide que nous avons refusée. Pas question de se tromper d’ennemis.


 


LCDA. Vous avez donc le sentiment d’être laissés à l’abandon ?


Effectivement.


 


LCDA. Comment l’expliquez-vous ? 


Quand un Chinois meurt, tout le monde s’en fout. Personne ne se sent concerné. Les Chinois, même s’ils sont nés ici, ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière.


 


LCDA. Que comptez-vous faire ?


Nous avons compris que nous n’avons plus le choix et que c’est à nous de construire un rapport de force.  Quand un des « nôtres », meurt, on se doit d’être présent afin que la justice fasse son travail. Il faut également que nous réfléchissions ensemble pour que les différentes communautés se parlent. Construire des passerelles entre nous tous. C’est un gros chantier à construire. La communauté asiatique a également beaucoup de mal à parler avec les autres, déjà à cause de la  barrière de langue, mais je suis sûr, qu’une fois passé ce stade, les choses peuvent aller beaucoup mieux. De toute façon, nous n'avons plus le choix.


 


LCDA. Que demandez-vous aujourd’hui aux autorités ?


Qu’ils augmentent les effectifs de la police nationale sur les territoires concernés, avec des équipages pouvant se déplacer d’une commune à l’autre. A Paris, il y a 1 policier pour 200 habitants, à Aubervilliers, il y a 1 policier pour 700 habitants ! C’est inadmissible. Nous demandons également qu’ils augmentent les effectifs de la police municipale afin de mieux « prévenir » les actes de délinquance. Multiplier les médiateurs sociaux dans les zones et quartiers sensibles, aider les acteurs associatifs dans leurs actions préventives, mettre au moins 10 caméras supplémentaires dans les rues sensibles.


La préfecture et la mairie connaissent parfaitement les lieux à risques : les caméras pourront servir à la fois dans un but de prévention mais aussi dans un but de recherche des coupables d’agression. Et enfin, accroître la politique de fermeté judicaire envers les délinquants. Plus que tout, nous voulons la sécurité pour tous. Ni plus, ni moins ! Et pour parvenir à cette fin, d’autres initiatives seront menées dans les jours et semaines à venir. Nous sommes nés ici. Nous sommes cette seconde génération, bien déterminée à ne pas se laisser faire.


 


Nadir Dendoune