Interdiction du Burkini : des voix s’élèvent pour dénoncer un amalgame « absurde »
Saisi par la Ligue des droits de l'homme et le Collectif contre l'islamophobie en France, le tribunal administratif de Nice a validé lundi l'interdiction des tenues de bain musulmanes surnommées « burkini », imposée par arrêté au début du mois sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet à l'instar de nombreuses autres communes de la Côte d'Azur. Devant la multiplication des arrêtés d’interdiction, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer un débat inutile, voire contre-productif.
Interdiction validée par le tribunal administratif
Le tribunal administratif de Nice a estimé que l'interdiction du burkini était « nécessaire, adaptée et proportionnée » pour éviter des troubles à l'ordre public après la succession d'attentats islamistes subis en France, dont celui de Nice le 14 juillet. Un non-sens pour l’islamologue réputé Olivier Roy. Interrogé par Francetvinfo.fr, le chercheur, qui enseigne notamment à l’Institut européen de Florence, estime « absurde » l’amalgame entre cette tenue et le fondamentaliste religieux. « Le groupe État islamique ou les talibans n’autoriseraient jamais le burkini. Au contraire, cette tenue est l’exemple même de la gentrification de la pratique religieuse musulmane dans l'espace occidental », rappelle-t-il.
Pour lui, ce maillot « représente une tentative, pour des femmes, plutôt jeunes, de poser un signe religieux sur une pratique moderne, c'est-à-dire la baignade en famille ». C’est donc un moyen de s’intégrer par les loisirs à leur société d’accueil. Son bannissement « risque de créer un sentiment de rejet et de dégoût chez les musulmans, qui pourrait se traduire par un repli identitaire ».
Une lecture à laquelle souscrit le premier ministre canadien. Justin Trudeau a défendu lundi les libertés de culte garantissant le droit à porter le burkini après que des mairies québécoises ont pris des arrêtés similaires. La liberté de culte est symbole selon lui de « l'acceptation » de l'autre de la part d'une société ouverte. Interrogé sur la controverse en France le burkini, il a appelé au « respect des droits et des choix des individus », un principe qui « se doit d'avoir la première place dans nos discours et débats publics ».
Polémique mauvaise pour le vivre-ensemble, mais bonne pour les affaires
La polémique française est commentée jusqu’aux antipodes. La créatrice australienne de la tenue de bain islamique, Aheda Zanetti, qui détient les marques « burkini » et « burqini ». « Nous ne cachons pas de bombe dessous, il ne sert pas à entraîner des terroristes », répond cette Libanaise d’origine aux détracteurs de son invention. C’est selon elle un outil d'intégration permettant à des musulmanes pratiquantes de profiter pleinement des joies de la plage.
La médiatisation soudaine de la baignade en maillot intégral a en tout cas pour effet de doper ses ventes. « Dimanche, nous avons reçu 60 commandes en ligne, toutes provenant de non-musulmans », a ajouté la créatrice de Sydney. Elle reçoit en outre de nombreux messages de soutien depuis la décision prise par plusieurs localités du littoral français d'interdire cette tenue sur les plages.
« Les arguments utilisés par les antisémites dans les années 1920 sont aujourd’hui repris à propos de l'islam », note Olivier Roy à propos du débat actuel autour de l’islam et du burkini. Si cette religion fait autant parler d'elle, c'est parce qu’il y a « une conjonction entre une droite identitaire, qui définit le christianisme comme la religion fondatrice de la société française, et une gauche laïque et anti-cléricale », résume-t-il.
Rached Cherif