Indignation après le mariage d’une adolescente de 13 ans, légalisé par la justice
La justice tunisienne a autorisé mardi 13 novembre le mariage d'une adolescente de 13 ans avec un membre de sa famille qui l'a mise enceinte. La protection de l'enfance demande l'annulation de ce mariage, qu'elle qualifie de viol physique et mental. Le parquet est intervenu aujourd’hui mercredi pour annuler la procédure. Que dit le code pénal tunisien ? Explications.
C'est une affaire qui a autant mis en émoi l’opinion publique que les associations des droits des enfants. Une adolescente de 13 ans a été mariée à l'homme qui l'a mise enceinte par le tribunal de première instance du Kef, avec l’aval du procureur de la République. Selon le porte-parole du tribunal Chokri Mejri, elle « n'a pas été violée » par l’homme âgé quant à lui de 21 ans. Il ajoute : « Nous avons entendu la fille et après vérification de tous les détails, nous avons considéré qu'elle était apte au mariage. La preuve, elle est enceinte »…
L'article 227 bis du code pénal tunisien, datant de 1913 et amendé dans les années 60, prévoit une peine de six ans de prison pour toute personne « ayant fait subir sans violence l'acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de 15 ans accomplis ». Le texte prévoit 5 ans de prison pour le même acte de rapport avec consentement avec une jeune femme âgée de 15 à 20 ans. Pour ce texte, la notion de consentement n’existe pas en dessous de l’âge de 13 ans.
Le même article prévoit également que « le mariage du coupable avec la victime (…) arrête les poursuites ».
Outre ce point que beaucoup estiment archaïque et ne correspondant pas à la réalité sociale tunisienne de nos jours, le fait de corréler l’âge du consentement à celui de la puberté est également problématique, « scandaleux » pour beaucoup d’observateurs et de juristes. D’autres soulignent que certains pays occidentaux font la différence entre l’âge de la majorité légale et celui de la majorité sexuelle, fixé à 16 ans. C’est probablement cers ce modèle que se dirige une éventuelle réforme du code pénal tunisien.
En attendant, on ne peut reprocher à un juge d’appliquer les lois en vigueur, d’autant qu’il a été saisi par les deux familles concernées, notent d’autres juristes qui rappellent que « de telles affaires restent hélas fréquentes dans les zones rurales et plus conservatrices du pays »…
La jeune fille âgée de 13 ans et 8 mois est enceinte de 2 à 3 mois et a eu un rapport sexuel avec le frère de ses deux beaux-frères. « Les deux familles ont demandé le mariage pour ne pas faire scandale », a rapporté le porte-parole. L'accord a été donné le 1er décembre et le mariage a été prononcé le 5 décembre dernier, mais médiatisée une semaine plus tard.
« Un viol » selon la protection de l'enfance
Alors qu'une fête était prévue dimanche dernier pour célébrer l'union, la protection de l'enfance est intervenue pour l'annuler. « Quand il s'agit d'une enfant de 13 ans, on ne peut pas parler d'un rapport sexuel avec consentement. Il s'agit d'un viol », a dénoncé la responsable de la protection de l'enfance, Houda Abboudi. « La décision de justice n'a pas tenu compte de l'intérêt de cette enfant, qui va en plus se marier avec son violeur ». Houda Abboudi estime que ce mariage est une véritable violation de l'intégrité physique et psychique de l’adolescente.
Elle est rejointe par Monia Ben Jemia, présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates, qui estime que « des juges considèrent qu'à l'âge de 13 ans, comme elle est pubère, elle est consentante. Or à 13 ans, on ne peut pas donner un consentement libre et éclairé ». Elle demande l'abrogation de l'article 227 bis.
D’autres pays arabes, à l’instar du Maroc, ont amandé de telles dispositions où le mariage annule les poursuites pour viol, tandis qu’au Liban, des ONG mènent en ce moment campagne pour abroger une loi similaire.
Seif Soudani