CRAN: « On se demande si la Légion d’honneur a un problème avec les noirs et les arabes !? »

Comme chaque année, le jour de l’an, dans un rituel bien huilé, l’Élysée récompense des personnalités en les décorant de la Légion d’honneur. Une mécanique dans laquelle la diversité a pourtant bien du mal à se faire une place. Seuls 2 % des décorés sont issus de la diversité. Après deux années passées à se battre pour changer les choses, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a décidé de décerner ses propres Légions d’honneur.

Un problème ?

En 2015, le CRAN avait lancé une pétition pour que Lassana Bathily, héros (malien) de l’hyper casher lors des attentats de janvier 2015, reçoive la Légion d’honneur. Sans résultat.

Suite aux attentats du Bataclan, une nouvelle pétition avait été lancée, cette fois-ci pour récompenser Didi (Son nom n’est pas divulgué puisqu’il est encore menacé), chef (d’origine algérienne) de la sécurité qui avait sauvé une centaine de personnes.

Là encore sans résultat. En revanche, le héros américain du Thalys a, lui, bien été récompensé, ce qui rend perplexe Louis-Georges Tin, Président du CRAN : « J'ai le sentiment qu'on nous prend pour des idiots. Je rappelle quand même que le héros américain du Thalys a eu la Légion d'honneur en trois jours. Didi qui a sauvé près de 100 personnes ne l'a toujours pas. C'est extrêmement choquant et grave (…) Donc on se demande si la Légion d'honneur a un problème avec les noirs et les Arabes !? »

2 %

Le CRAN travaille depuis longtemps sur les statistiques ethniques et notamment sur la représentation de la diversité dans certaines instances, dont la Légion d’honneur : « À peine 2 % des personnes sont issues de la diversité parmi les récompensés » indique M. Tin.

Ainsi, le CRAN s’est rapproché de l’Élysée, rencontrant à plusieurs reprises le grand chancelier de la Légion d’honneur afin d’améliorer la représentativité de la diversité : « On nous a promis des améliorations, on nous a demandé de faire des propositions constructives, ce que nous avons fait. Mais après deux ans rien n'a changé. Nous nous sommes dit “ça suffit, à nous de créer notre propre légion sans attendre que les autres valident pour nous qui sont les personnes qui méritent d'être reconnues” » explique le président du CRAN.

Un état de fait d’autant plus ennuyeux que la Légion d’honneur a su avancer la question de la parité, longtemps négligée pour ces décorations : « Une décision a été prise et aujourd'hui la légion est paritaire à 100 %. La légion a pu avancer sur la question de la parité, mais manifestement refuse d'avancer sur la diversité ».

Légion d’honneur du CRAN

Alors que l’Élysée dévoilait sa liste des personnes décorées, le CRAN a, de son coté, livré une liste exclusivement composée de personnes issues de la diversité : « Nous donnons à l'Élysée une liste de personnes qu'ils pourraient nommer s'ils le voulaient. (…) C'est pleinement assumé, c'est la légion de la diversité. Et si d'aventure, l'Élisée souhaite s'en inspirer tant mieux, mais je n'y crois plus trop. Nous faisons notre propre légion, les personnes méritantes noires et arabes, issues de la diversité, nous les récompensons, point », indique Louis-Georges Tin.

La liste du CRAN comporte des personnalités qui ont déjà eu la Légion d’honneur, comme Maryse Condé ou Pape Diouf, mais ceux-ci pourraient gravir un échelon. D’autres personnalités de cette liste gagnent à être connues comme Didi, héros du Bataclan que nous avons déjà mentionné, ou encore, dans un autre registre, Gildas Icoungoud, premier et le seul africain propriétaire de vignoble en champagne, sa marque de champagne est Pharaon.

La Légion d’honneur du CRAN a également été décernée à Adama Traoré (à titre posthume) et sa famille, pour le combat qu’ils mènent au quotidien.

Un prix qui inspirera peut-être l’Élysée, en attendant la Légion d’honneur du CRAN m plutôt vocation à perdurer. Une cérémonie de remise des décorations devrait avoir lieu courant mars.