Opinion. Ecologie, idéologies angélistes, anachronismes… les incohérences du législateur tunisien

 Opinion. Ecologie, idéologies angélistes, anachronismes… les incohérences du législateur tunisien

Asssemblée des représentants du peuple


Un décret gouvernemental relatif aux « infractions environnementales » a récemment été publié dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT). Le texte prévoit des sanctions et amendes conséquentes, comparables à celles pratiquées dans les pays européens, pour les « délinquants pollueurs ». Mais derrière ces bonnes intentions, anachronisme et angélisme législatif ne sont jamais bien loin, en l’absence des minimas en matière d’infrastructures publiques et municipales.   


Le décret en question stipule qu’une amende de 40 dinars tunisiens sera infligée au contrevenant pour tout jet de mégot de cigarettes ou de tout type d’ordures dans les endroits publics et privés ainsi que le crachat dans les endroits publics, entre autres infractions.


Une contravention de 60dt est également prévue, notamment en cas de pollution des plages et des mers ainsi que le non entretien des espaces communs dans les résidences et pour toute personne qui urine sur les lieux publics.


A titre de comparaison, l’application de ces dispositions est rare en France. Parmi les jurisprudences médiatisées, en janvier 2006 : un lycéen de 16 ans avait été condamné à une amende de 135 euros pour avoir craché à un arrêt de bus à Lyon, en référence à un décret datant des années 40.


Depuis mars 2015, un décret a augmenté le montant de l'amende encourue en cas d'abandon de détritus sur la voie publique, ou pour avoir uriné sur la voie publique en France, de 150 à 450 euros, une contravention qui peut être constatée par les agents de police municipale et faire l'objet d'une amende forfaitaire majorée de 180 euros.


Néanmoins, quelle différence de contexte y a-t-il en la matière entre un pays dit développé, et un pays dit « en voie de développement ». La plupart des grandes villes des pays ayant adopté ce type de législation répressive est l’existence en abondance de poubelles sur les voies publiques, avec ou sans tri sélectif, la présence de toilettes publiques, quasi inexistantes en l’occurrence en Tunisie, mais aussi une police municipale présente en nombre, souvent à vélo.


Dès les premières années post-révolution en Tunisie, des lobbyistes proches des partis politiques nostalgiques, dont le publicitaire Karoui & Karoui, ont œuvré à des campagnes d’affichage urbain associant la révolution et le pouvoir issu du premier scrutin libre de l’histoire du pays à la saleté dans les rues, jouant des mots « président provisoire » et « saleté provisoire ». Une association d’idées présente chez certaines classes aisées regrettant l’ancien régime pour le sentiment de sécurité, d’ordre et de relative propreté qu’il leur inspirait.


Une législation à rebours


Il semble donc qu’aussi louable soit l’idée, avant même de disposer d’infrastructure donnant le choix aux Tunisiens d’être de bons ou de mauvais citoyens, l’actuelle majorité procède à une sorte de forcing législatif ornemental ou cosmétique, inspiré de l’Occident.


Dans un domaine d’ordre plus sociétal, le même type d’anachronisme affecte l’examen en cours à l’Assemblée du projet de loi organique relatif à la lutte contre la violence faite aux femmes. Durant de longues semaines, l’examen du texte a dû être suspendu en raison de la polémique entre députés sur l’adoption de l’expression « genre social », chargée en connotations idéologiques selon ses détracteurs.


Issu de ce qu’on appelle quatrième vague féministe, « post féminisme », ou encore gender feminism (qui a remplacé l’expression « féminisme radical ») le concept entend repenser l’identité sexuelle en tant que « social construct ». Depuis quelques mois, l’ATFD principale grande association féministe tunisienne, fait le forcing pour intégrer ce concept en marge de la nouvelle loi dont le caractère répressif est comparable à des textes similaires en Occident mais décriés en Espagne notamment pour avoir entrainé une vague de fausses accusations ces dernières années.


Dans un pays où le statut de la femme reste privilégié dans le monde arabe, mais où la société reste relativement conservatrice, la notion fait encore l’effet d’un OVNI brulant les étapes, en raison des implications d’homophobie et de transphobie qu’elle recouvre. Pour dépasser ce blocage, le bloc Nidaa Tounes a décidé de remettre à plus tard les discussions autour de ce point précis, et d’avancer dans l’examen de la loi.  


 


Seif Soudani