Loi de réconciliation économique « round 3 » : la société civile « ne lâche rien »

 Loi de réconciliation économique « round 3 » : la société civile « ne lâche rien »

Délégation des conseillers présidentiels


La Commission parlementaire de législation générale a repris aujourd’hui mercredi 26 avril l’examen article par article de la très controversée loi dite de réconciliation économique, dans un climat de vive tension à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Assemblée. Dans la société civile mais aussi dans la rue, la résistance s’organise contre cette troisième itération d’un texte éthiquement problématique et toujours aussi impopulaire. Explications.


Pour rappel, c’est le 16 juillet 2015 que le projet de loi organique 49/2015 proposé par la présidence de la République avait été déposé une première fois à l’Assemblée des représentants du peuple. Mais la levée de boucliers générale de l’opposition, des milieux associatifs et une grande manifestation à l’appel du Front populaire avaient contraint les auteurs du texte à geler leur initiative.


Le 29 juin 2016, la présidence de la République fait à nouveau le forcing pour que la même commission examine le texte quasiment une année plus tard, renommé en « Projet de loi de réconciliation globale et de développement régional ». Mais le 20 octobre 2016, les parlementaires décident de reporter sine die l’examen du texte, se déclarant incompétents pour le faire avant que le texte ne soit révisé par la présidence de la République. Certains croient alors à tort à un abandon définitif du texte.


Confusion entre diverses versions


Seule certitude aujourd’hui, la version initiale comptant seulement 12 articles a été amendée, notamment pour prendre en compte les recommandations de la Commission de Venise, saisie dès 2015 par l’Instance Vérité & Dignité.


Une version datée du 14 avril 2017, mais elle aussi amendée depuis, prévoit ainsi que sera nommé à la tête de la nouvelle commission d’arbitrage économique le président de l’Instance anti-corruption, sans qu’il soit clair si le texte parle de l’actuelle Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC), ou de la future Instance constitutionnelle permanente de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, non encore investie par l’ARP.


Quoi qu’il en soit, de source proche du dossier, le président de l’INLUCC Chawki Tabib, non consulté par la présidence de la République, aurait décliné.


Indépendamment de l’interférence en matière de prérogatives avec l’IVD, déjà investie de centaines de dossiers liés à la corruption, cet imbroglio politico-légal explique vraisemblablement la posture consensualiste de Selim Azzabi, chef de cabinet du président de la République, qui auditionné aujourd’hui en commission parlementaire a encore une fois réitéré « l’ouverture de la présidence à toutes les propositions des élus » en vue d’amender encore le texte.   


Campagne de propagande médiatique  


Le 21 avril dernier, le site Nawaat publiait une fuite de plusieurs documents en provenance des services de communication du Palais de Carthage. On y découvrait qu’une dizaine de conseillers et proches collaborateurs du président Béji Caïd Essebsi se sont vus assigner chacun un rôle de lobbyiste, selon ce qui s’apparente à une campagne de promotion médiatique méthodique en faveur de la loi.   


La campagne prévoit notamment une série de rencontre avec des chefs de partis politiques, des ONG, mais aussi des experts juristes et des « personnalités médiatiques influentes auprès de l’opinion publique ».


Demain jeudi 27 avril à Tunis, deux conférences sont prévues autour de la nouvelle loi et de ses conséquences, l’une à l’hôtel Penthouse animée par des ministres et des experts proches du gouvernement, l’autre à l’Hôtel Africa, plus équilibrée, avec en outre l’intervention de Khaled Krichi, président de la Commission arbitrage de l’IVD.


Parmi les points de litige d’ordre moral et éthique de l’actuelle copie du projet de loi, l’amnistie pure et simple des hauts fonctionnaires de l’Etat (ministres, secrétaires d’Etat, diplomates, gouverneurs, etc.) qui s’étaient rendus coupables sous l’ancien régime de décisions ayant facilité la corruption ou profité à la spoliation de deniers publics, à la seule  condition qu’ils n’aient pas eux-mêmes bénéficié de malversations à titre personnel.


En pointe dans la contestation radicale du projet de loi qui sera discuté en séance plénière de l’ARP le 9 mai prochain, le collectif « Menich Msemah » a renouvelé sa détermination pour mobiliser autour du slogan « mayetaadech » (« il ne passera pas »).


Seif Soudani