Des responsables algériens versent dans la xénophobie

 Des responsables algériens versent dans la xénophobie

Le ministre des Affaires étrangères


Pourtant pays d’accueil et de brassage des civilisations, l’Algérie est en train de sombrer peu à peu dans la xénophobie. Le racisme "ordinaire" anti-noirs se limitant jusqu’ici à certains Algériens lambda, gagne du terrain et, plus grave encore, est aujourd’hui assumé officiellement par de hauts responsables de l’Etat algérien. 


Samedi 08 juillet, sur la chaine Ennahar TV, Ahmed Ouyahia, chef de cabinet du président Bouteflika, ministre d’Etat  et secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), un parti du pouvoir, a tenu des propos sur les migrants africains pour le moins surprenants, voire choquants. « Ces étrangers en séjour irrégulier sont source de crimes, de drogue et de plusieurs autres fléaux »,a-t-il accusé, sans trembler. « Et quand on me parle de droits de l’Homme, je dis : Nous sommes souverains chez nous », a-t-il lancé avant de se prendre : « On ne dit pas aux autorités : jetez ces migrants à la mer ou au-delà des déserts. Mais le séjour en Algérie doit obéir à des règles. On ne laissera pas le peuple algérien souffrir de l’anarchie ».


Moins brutal que le flegmatique Ouyahia, le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a cru utile de mettre son grain de sel en voyant dans le flux de migrants une menace pour la sécurité du pays.  « Une mafia organisée dont font partie des Algériens encadre les opérations d’émigration clandestine vers l’Algérie (…) Nous suivons de très près ce phénomène et l’Algérie est devenue un pays de destination pour les migrants clandestins subsahariens », a-t-il déclaré aujourd’hui, non sans ajouter: « Il est de notre devoir, en tant que gouvernement et en tant qu’Algériens de défendre la souveraineté nationale et notre sécurité, c’est notre droit ». « L’Algérie n’a de leçon à recevoir de personne », a-t-il lancé à la cantonade, comme pour prendre la défense d’Ahmed Ouyahia, objet de vives critiques depuis samedi.


Vague d’indignations


En effet, la sortie surprenante du directeur de cabinet du président Bouteflika a donné cours à de nombreuses réactions. L’ONG Amnesty international a qualifié les propos de M. Ouyahia de « choquants et scandaleux » qui « alimentent le racisme et favorisent la discrimination et le rejet de ces personnes ».


Coté algérien, nombre de responsables de partis politiques se sont élevés contre  le discours d’Ahmed Ouyahia sur les migrants africains. Un député du  Parti des travailleurs (PT), dirigé par Louisa Hanoune, s’est dit  « horripilé par la campagne xénophobe qui cible les migrants des pays du Sahel » et appelle l’Etat algérien à « prendre ses responsabilités devant la tragédie qui frappe nos frères africains(…) ». Plus tranchant, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a qualifié les propos d’Ouyahia de « scandaleux ». « C’est malheureux d’entendre un ex-chef de gouvernement et, actuel chef de cabinet du Président de la République, tenir de tels propos. L’État algérien doit assumer ses responsabilités, s’organiser pour la prise en charge de ces migrants qui ont fui les guerres, comme c’était le cas des Algériens pendant la Guerre de libération. Et ce qui est condamnable, c’est que ce discours ressemble à celui du Front national français », a déploré Yacine Aissiouane, responsable à l’organique et chargé de communication au RCD.


« Nous dénonçons ces propos irresponsables d’un haut responsable de l’État au sujet des migrants africains qui se trouvent sur notre territoire. L’Algérie est un pays africain et ces migrants viennent de pays africains voisins qu’ils ont fuis à cause des conditions de vie déplorables. Ils ont besoin de notre soutien et de notre solidarité. D’autant que ces propos sont en totale contradiction avec ceux du Premier ministre Abdelmadjid Tebboune. Cela nuit à l’image de notre pays », a vitupéré un respnosable de Jil Jadid, dans une déclaration au site TSA. Le parti islamiste Mouvement pour la société de la paix (MSP) ne s’est pas prié pour tailler des croupières à l’ancien chef du gouvernement, en soutenant : « Les déclarations d’Ahmed Ouyahia sont choquantes et sont contraires aux protocoles internationaux et aux principes humanitaires et religieux. Nous lançons un appel afin de trouver une forme juridique à la présence des migrants en Algérie et pour leur réserver un bon accueil loin de la discrimination et de la marginalisation. L’Algérie doit assumer la responsabilité du dossier des migrants africains ».


Yacine Ouchikh