La victoire des Tunisiennes qui éclipse l’amnistie des corrompus ?

 La victoire des Tunisiennes qui éclipse l’amnistie des corrompus ?

Les Tunisiennes musulmanes enfin autorisées à se marier avec des non-musulmans


Les réactions fusent de toutes parts depuis l’annonce dans la journée de jeudi de l’abrogation des dispositions empêchant les Tunisiennes d’épouser un non-musulman. Le retentissement de cette mesure symbolique en viendrait presque à éclipser le vote la veille d’une très controversée loi d’amnistie de fonctionnaires accusés de corruption.


« C’est une victoire qui a une portée énorme », s’enthousiasme Abdelfatah Benhaji, avocat et président de la section tunisienne de Français du monde (FDM), l’une des principales organisations représentatives des Français établis à l’étranger. « Cela faisait des années qu’on se battait contre cette circulaire », ajoute Marie Bouazzi, adhérente de la première heure de FDM-Tunisie, dont elle a longtemps été la présidente. « Les époux, dont le mariage n’était pas transcrit dans l’état civil tunisien à cause de ce texte, étaient considérés comme concubins lorsqu’ils étaient en Tunisie, avec tout ce que cela comporte de désagréments dans une société assez conservatrice », explique-t-elle.


C’est aussi la réparation d’une injustice, puisque les hommes tunisiens n’étaient pas soumis à la même contrainte. « Cela met fin à une situation totalement hypocrite qui donnait lieu à des conversions de complaisance », se réjouit Martine Vautrin Jedidi, conseillère consulaire des Français de Tunisie. En effet, les futurs époux réputés non musulmans devaient obtenir un certificat de conversion à l’islam de la part d’une autorité religieuse pour que le mariage soit célébré dans une mairie tunisienne ou simplement transcrit dans l’état civil de l’épouse tunisienne.


Le ministre de la justice tunisien, Ghazi Jeribi, a indiqué avoir donné instruction à tous les fonctionnaires concernés de faire procéder aux régularisations nécessaires. « C’était de toute façon anticonstitutionnel », martèle Me Benhaji. L’avocat et militant y veillera et est prêt « à saisir les tribunaux administratifs » si les administrations ne se conforment pas à la décision du ministre.


À peine annoncée par la porte-parole de la présidence, Saïda Garrach, l’annonce a déclenché une vague enthousiaste sur les réseaux sociaux, au point d’éclipser l’adoption quelques heures auparavant de la loi d’amnistie des fonctionnaires corrompus qui met en péril la révolution selon ses opposants. Un timing que soulignent certains militants du mouvement « Manich Msamah » (Je ne pardonne pas), qui dénonce une manœuvre de diversion.


Rached Cherif