La France se dote d’une norme expérimentale sur les aliments halals transformés
L’Association française de normalisation (Afnor) a rendu publique vendredi la première norme française pour les aliments halals transformés, au terme de délicates tractations qui ont duré plusieurs années. Mais alors que les tensions communautaires et politiques autour de l’islam s’enveniment rapidement, les participants ont exclu un sujet majeur : les conditions d’abattage des animaux pour la production de viande.
Cette norme, « expérimentale » et « volontaire », n’a aucun caractère obligatoire, et a été élaborée à la demande d’industriels français de l’agroalimentaire, en vue de faciliter l’exportation de certains produits, avec la participation d’organismes de certification musulmans, a indiqué un responsable de l’Afnor.
La norme, qui définit une méthode de production unifiée « halal » (ce qui est licite, selon le culte musulman), ne concerne donc que la partie aval de la production : de la matière brute au produit transformé, incluant conserves, plats préparés, charcuterie, confiserie, boulangerie. Elle ne fait pas non plus la liste des éléments interdits, même si certains font consensus comme le porc et l’alcool.
Ce texte établit des processus de fabrication, des recommandations à suivre « pour permettre aux industriels de conduire leur analyse des risques en identifiant les étapes critiques qui pourraient rendre leur production non halal », explique l’Afnor dans son introduction.
Servir un marché en pleine expansion
Le marché du halal bat des records dans le monde, estimé à 600 milliards de dollars. Pour la France, il atteignait 5,5 milliards d’euros en 2010, dont 4,5 milliards pour les produits alimentaires, selon une étude du cabinet Solis, spécialisé dans le marketing identitaire. « Jusqu’à présent, nous devions toujours accepter les cahiers des charges de nos clients, nous n’avions rien à mettre en face, car il n’existait aucune norme en France », a expliqué Eldjida Makhloufi, responsable export de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes (FICT), qui a participé à l’élaboration de cette norme.
Un représentant du volailler Doux qui souhaite se développer sur ce marché a pris part aux travaux, avec des représentants du Cniel (Industriels du lait), du syndicat des plats préparés Adepale, une association de consommateurs (Afoc), une représentante du CNRS (Idemec), du ministère de l’Agriculture, du Conseil français du culte musulman (CFCM) et des organismes de certification reliés aux mosquées de Paris, Lyon et Évry.
« L’idée c’est d’avoir un référentiel. Cet outil va nous permettre d’aller plus loin et de donner confiance aux entreprises qui veulent exporter », a ajouté la responsable de la FICT. Le « marché explose de jour en jour » et « nos concurrents prennent des parts de marché dans des pays où nous aurions une légitimité, mais où on reproche à la France de ne pas avoir de norme ».
Éviter la contamination avec des ingrédients « haram »
La norme s’appuie notamment sur sept recommandations du Codex Alimentarius établi par la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. « Il convient de prévenir les présences fortuites d’un intrant ou d’un ingrédient “haram” (interdit) dans le produit fini », indique le texte de la norme.
Ainsi, un industriel qui fabriquerait des saucisses de volaille halal un jour par semaine doit pouvoir garantir qu’il a nettoyé ses outils pour éviter les contaminations croisées s’il produit des saucisses de porc sur les mêmes chaînes de fabrication les autres jours de la semaine. Mais, pas avec de l’éthanol. S’il utilise du vinaigre d’alcool, celui-ci peut, ou non, être considéré comme halal, selon les pays clients.
De même, un industriel qui a besoin d’un colorant rouge ferait mieux de ne pas utiliser le E120, également appelé le carmin de cochenille. Dans certains pays musulmans, cet élément est interdit, car issu d’insectes.
Rached Cherif
(Avec AFP)