« On m’a taxé d’antisémitisme parce que je soutiens mon confrère Salah Hamouri emprisonné en Israël », Alexandre Braud, avocat au barreau de Béthune
Alexandre Braud est avocat au barreau de Béthune, dans le Pas-de-Calais (62). Quand il a appris qu'un de ses confrères, Salah Hamouri, avait été arrêté en Israël le 23 août dernier, puis jeté en prison (voir nos éditions), il a tout de suite interpellé son syndicat mais aussi ses collègues, comme il l'aurait fait pour "n'importe quel autre avocat détenu dans le monde". Il ne s'attendait pas à de telles réactions…
LCDL : Êtes-vous militant de la cause palestinienne ?
Alexandre Braud : Pas spécialement. Comme beaucoup, je m'intéresse à ce qu'il se passe au Proche-Orient mais je ne me considère pas comme un militant de la cause palestinienne. Je sais que l'Etat d'Israël ne respecte pas le droit international. Que les Nations unies condamnent sans cesse, en vain, la colonisation et l'occupation de la Cisjordanie.
Quelle a été votre première réaction quand vous avez appris l'arrestation de votre confrère Salah Hamouri ?
Je me suis d'abord renseigné sur qui était ce jeune homme. De nombreux articles racontaient en détail l'histoire de ce Franco-Palestinien de 32 ans. J'ai vu qu'il avait déjà été arrêté entre 2005 et 2011. J'ai très vite compris qu'il avait été jeté de nouveau en prison injustement, simplement parce qu'il défendait ses positions politiques. Parce qu'il dénonce l'Occupation.
Qu'avez-vous fait après ?
J'ai d'abord créé une page sur Internet : http://libereznotreconfrere.
Et quelles ont été les réactions ?
Elles ont été tout de suite extrêmement violentes. Je m'attendais plutôt à lire de l'indignation. Je pensais que j'allais être soutenu dans ma démarche. Salah Hamouri est français et avocat : deux bonnes raisons de se mobiliser pour lui. Pour un avocat, lutter contre l'injustice est pourtant primordiale. Je m'attendais surtout à pouvoir débattre sereinement de son cas. On a le droit d'être en désaccord mais d'être toujours dans le respect de l'autre.
C'est-à-dire ?
L'administrateur du groupe a fini par supprimer tous mes posts. Bravo la démocratie ! Un collègue a écrit qu'on n'a pas à défendre un criminel. Salah Hamouri est accusé d'appartenir au FPLP (NDLR : Front populaire de la Libération de la Palestine) : c'est pour cette raison qu'il est en prison. J'ai répondu que d'une part, ce n'est pas parce que le FPLP est une organisation jugée terroriste par les États-Unis et Israël qu'elle l'est. D'autre part, Salah Hamouri a toujours nié faire partie du FPLP. On a quand même le droit de douter de la véracité de ses accusations.
Les attaques à votre égard ont même été plus loin…
Effectivement. Un confrère s'est même permis de me traiter d'antisémite ! Rien que ça ! Parler du sort d'un de nos confrères ferait de moi un antisémite ! Juste parce que je remets en cause sa culpabilité. Il est permis, surtout en France où la liberté d'expression est sacrée, de critiquer les autorités israéliennes, surtout quand elles usent de l'arbitraire. Je critique constamment les autres pays quand je juge qu'ils bafouent les droits de l'homme. Et je n'ai jamais été traité de raciste pour autant. Ce chantage à l'antisémitisme à chaque fois qu'on n'est pas d'accord avec le gouvernement israélien commence sérieusement à me gonfler.
Vous semblez tout de même affecté par ses accusations d'antisémitisme ?
Bien sûr. Et c'est normal. C'est la première fois de ma vie qu'on me traite d'antisémite. Se faire traiter de con passe encore, mais de raciste, j'ai du mal, surtout pour quelqu'un comme moi. J'ai toujours milité contre le racisme et l'antisémitisme.
Vous avez aussi contacté votre syndicat…
Effectivement. Je fais partie d'un des plus gros syndicats de France : le SAF (NDLR: Syndicat des Avocats de France). En les contactant, j'ai tout de suite senti de l'embarras. En gros, on m'a répondu qu'au moment de son arrestation, Salah Hamouri n'était avocat que depuis trois jours et que le syndicat ne défend que les confrères qui sont arrêtés dans l'exercice de leurs fonctions. Je ne vois pas en quoi cela nous empêcherait le soutenir.
Votre syndicat vous a-t-il dit qu'il ne soutiendra pas Salah Hamouri ?
En fait, il n'y a pas de position officielle du syndicat. Il y a une assemblée en octobre où j'espère que le cas de Salah Hamouri sera discuté. D'ailleurs, j'ai proposé à la direction d'y assister. J'aimerais leur exposer en détail le cas de Salah Hamouri. J'ai bien peur que la direction botte en touche. J'espère me tromper. J'aimerais juste que le syndicat se positionne : pour ou contre mais qu'on soit fixé. De toute manière, je ne renouvelerai pas ma cotisation si la direction ne dit pas clairement les choses.
Toutes ces difficultés vous-ont elles "refroidi" ?
Non, pas du tout. C'est mal me connaître. Défendre une cause juste c'est l'essence même de notre métier. J'ai envoyé un courrier au bâtonnier de Béthune pour qu'il me mette à disposition une salle pour inviter d'autres confrères afin de débattre du sort de Salah Hamouri. Une quinzaine d'avocats m'ont déjà écrit pour me proposer leur aide. Je porte également sur ma robe un triangle rouge, le symbole de la résistance. J'ai bien l'intention de ne rien lâcher.
Êtes-vous surpris du peu de soutien de vos confrères ?
Surpris, non. Déçu, oui. Je sais que les avocats ont énormément de travail alors c'est peut-être un peu difficile pour certains de trouver le temps de soutenir des causes. Mais je dirais aussi que les avocats sont comme tout le monde. Ils sont à l'image de la société et ce n'est donc pas surprenant qu'ils soient de plus en plus individualistes.
Propos recueillis par Nadir Dendoune
Pour les avocats qui aimeraient rejoindre l'initiative lancée par Alexandre Braud, voici une adresse de messagerie : [email protected]
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