Le gouvernement veut doubler la durée légale de privation de liberté des étrangers en rétention

 Le gouvernement veut doubler la durée légale de privation de liberté des étrangers en rétention


Le gouvernement veut encore durcir les règles dans son projet de loi sur l’immigration en doublant la durée légale de la rétention pour les étrangers en attente d’expulsion de 45 à 90, voire 105 jours. Le texte fait une nette distinction entre les réfugiés et les « migrants économiques », qui n’ont pas vocation selon lui à rester sur le territoire, selon Emmanuel Macron.


Selon ce texte dit « pour un droit d’asile garanti et une immigration maîtrisée », qui doit encore être transmis au Conseil d’État, « la durée maximale de la rétention ne doit pas (…) excéder quatre-vingt-dix jours ». Mais « à titre exceptionnel » le juge pourrait ensuite ordonner une prolongation « de quinze jours », dans le cas où l’étranger ferait « obstruction » à son éloignement.


Dans le sillage du message de fermeté du président de la République sur l’immigration irrégulière, le régime de la « retenue » pour vérification du droit au séjour serait également durci, puisqu’elle passerait de 16 heures à « 24 heures ».


La rétention administrative permet de retenir un étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement dans l’attente de son expulsion. À 90 jours, la France « resterait dans la fourchette basse de la moyenne européenne », a toutefois souligné une source proche du dossier, en rappelant que l’Allemagne par exemple prévoyait un délai de 180 jours.


 


Banaliser l’enfermement


Décriée par les associations, la rétention donne le temps aux pouvoirs publics de mener les démarches de renvoi auprès du pays d’origine. Or beaucoup d’États renâclent à émettre les « laissez-passer consulaires » nécessaires, ce qui freine les reconduites. Pour convaincre les « récalcitrants », Emmanuel Macron a nommé début septembre un ambassadeur ad hoc. Mais, le projet de loi envisage donc de priver plus longtemps de liberté les personnes placées en rétention dont les pays respectifs rechignent à émettre des documents nécessaires.


Le texte prévoit également un tour de vis sur la rétention des « dublinés », ces migrants enregistrés dans un autre pays européen et censés y être renvoyés pour le traitement de leur demande d’asile. La procédure est longue, complexe, et seuls 10 % étaient effectivement transférés l’an dernier. Pour augmenter les taux, les « dublinés » vivant légalement en Europe pourraient être placés en rétention dès que la demande a été déposée auprès de l’État compétent, au même titre que les personnes en situation irrégulière.


 


Expulsion des demandeurs d’asile vers les pays tiers


Ce discours de fermeté s’accompagne d’une volonté affichée de mieux intégrer les réfugiés : le budget de la mission « asile et immigration » devrait augmenter de 25 % l’an prochain, selon le projet de loi de Finances dévoilé mercredi, avec une hausse de « plus de 30 % » pour la politique d’intégration à l’horizon 2020. Le projet de loi prévoit ainsi des dispositions « en faveur de l’attractivité et de l’accueil des talents et compétences », notamment pour faciliter le séjour des étudiants cherchant un emploi.


Le texte prévoit aussi que l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) pourrait juger irrecevable un dossier lorsque le demandeur « peut être réadmis dans un pays tiers sûr » — c’est-à-dire un pays sûr par lequel il aurait transité. La mesure est d’abord prévue au niveau européen, mais a de quoi soulever des questions, notamment au sud de la Méditerranée. La France et l’Union européenne font en effet pression sur plusieurs pays non européens pour l’adoption d’accord de réadmission de leurs ressortissants, mais aussi de ressortissants de pays tiers ayant transité par leurs territoires.


L’idée fait déjà grincer des dents à l’Ofpra : dans un entretien à l’AFP en juin, son patron Pascal Brice avait dit ses inquiétudes sur cette notion qui pour lui n’est « pas compatible avec le droit d’asile ».


Rached Cherif


(Avec AFP)