Insuffler une nouvelle dynamique à l’opposition : le périlleux pari de Marzouki
L’ancien président de la République Moncef Marzouki a annoncé dimanche le lancement d’une campagne populaire « Nous ne céderons pas » (« Manach msallmin »), depuis l’un des fiefs de son parti al Irada dans le sud du pays : Tataouine. Ambitieuse, l’initiative a pour projet de moraliser la vie politique et de raviver une opposition léthargique en région. Geste désespéré ou aventure réaliste ?
C’est un véritable retour aux sources que s’est offert l’ex président et opposant historique Marzouki dans une région où il avait obtenu lors du scrutin présidentiel de plus de 90% des suffrages, dans une Tunisie toujours aussi polarisée. Annonçant le meeting non sans une certaine dramatisation, le député al Irada Imed Daïmi a eu ses « propos déformés » selon son parti la veille par IFM radio puis d’autres médias, qui ont titré « Moncef Marzouki annoncera la deuxième révolution demain depuis Tataouine ».
Haranguant la foule dans un exercice emphatique qu’il affectionne, Marzouki a martelé que « les évènements qu’a connus la Tunisie après les élections de 2014 ont compromis la démocratie et favorisé la réconciliation avec les auteurs de corruption », d’où le timing de son initiative, quelques jours après le vote à l’Assemblée, à 117 voix sur 2017, de la Loi de réconciliation administrative.
Se démarquer de l’image intellectualiste et renouer avec la rue
Le slogan de cette initiative politique partie de Tataouine, « Manach msallmin », n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de « Manich Msamah » (« Pas de pardon »), principal front de contestation de la dite loi, mais dont les agitateurs, majoritairement de gauche, ont tendance à ne pas tolérer dans leur rang des éléments appartenant précisément à l’ancienne mouvance marzoukiste, l’ex CPR. Il n’est donc pas clair à l’heure qu’il est si Marzouki fait un pas vers cette gauche, ou si au contraire il s’en démarque tout en s’inspirant de la franchise « Manich Msamah » qui avait notamment rencontré un franc succès auprès des jeunes.
Dans un registre plus souverainiste, Moncef Marzouki a par ailleurs estimé que « l’ère du dénommé Essebsi est également marquée par l’ingérence étrangère dans les affaires du pays et la montée des médias corrompus », allusion au « diktat » du FMI ainsi qu’aux médias boycottant les activités du parti al Irada.
L’ancien président a enfin déploré « l’extrême lenteur dans l’adoption des lois et réformes, en comparaison avec la période de la troïka » qui avait promulgué une nouvelle constitution en trois ans.
« Incitation au grabuge » et démocratie participative ?
Marzouki a appelé à cette occasion les jeunes de la région, à « militer en faveur de l’activation des accords conclus en matière d’emploi, d’investissement et de développement à Tataouine », tout en s’étonnant de l’incapacité des partis au pouvoir de tenir les élections municipales, un thème qui lui est cher, dans les délais prévus et de rappeler que, selon lui, « les élections de 2014 étaient une vaste opération d’escroquerie dont fut victime le peuple tunisien »…
S’agit-il là d’une « incitation à l’anarchie », comme le sous-entendent ce matin nombre de radios nationales ? Pas selon le porte-parole d’al Irada, Adnène Mansar, pour qui l’ancien président de la République « est dans son droit lorsqu’il appelle les Tunisiens à user de tous les moyens pacifiques et démocratiques » pour s’opposer au pouvoir.
S.S