Loi de finance 2018 : l’austérité ne touchera pas les ministères régaliens
C’est le sujet qui fait le plus débat en cette rentrée parlementaire. En entérinant à la mi-octobre le projet de loi du budget 2018, la présidence du gouvernement avait contrevenu à la tradition consistant à en livrer dans la foulée une copie à la presse. Et pour cause : en somme, tout le monde va devoir se serrer la ceinture, entreprises comme particuliers, etc. Tout le monde, sauf l’Etat…
Une coûteuse guerre contre le terrorisme ?
Ainsi le projet de loi de finance 2018 prévoit une hausse de 12,5% du budget du ministère de l’Intérieur par rapport à 2017, soit une enveloppe de 2879 millions de dinars. Le budget de la « dékhiliya » aura par conséquent enregistré une hausse substantielle au cours des trois dernières années, que la Kasbah explique par la lutte menée par les gouvernements successifs contre le terrorisme et les besoins en équipements et en ressources humaines, et ce malgré les dons de divers pays en la matière dont la Turquie et les pays de l’EU.
Il en va de même pour le ministère de la Défense dont le budget atteindra 2233 MD contre environ 2000 MD l’année précédente. Selon la même source, les budgets des ministères de l’Intérieur et de la Défense représentent plus de 14% du nouveau budget de l’Etat avec un montant total s’élevant à 5112 MD.
Dans la société civile, d’aucuns sont préoccupés par cette hausse exponentielle des départements liés à la sécurité, dans le contexte d’une démocratie balbutiante sortie de l’autoritarisme de l’Etat policier il y a tout juste six ans.
Augmentation notable également du budget du ministère de la Justice qui passe de 542 MD, en 2017, à 591,5 MD en 2018.
Le portefeuille le mieux nanti reste cependant celui du ministère de l’Education, qui connaitra lui aussi une légère hausse cette année, à 4925 MD contre 4861 MD en 2017, soit 13% du budget de l’Etat.
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, n’est pas en reste, à 1481,6 MD cette année contre 1361,8 MD auparavant. Autre département gourmand en ressources, le ministère de la Santé enregistrera une importante hausse pour atteindre 1875,2 MD, en 2018, contre 1472 MD, en 2017, conformément au souhait du ministre défunt Slim Chaker.
Charité bien ordonnée commence par soi-même…
En 2016, les observateurs des budgets des « trois palais » (Carthage, la Kasbah et le Bardo) dénonçaient déjà « une boulimie budgétaire ». Qu’à cela ne tienne, cette tendance haussière se poursuivra en 2018.
Ainsi le budget de la Présidence du gouvernement augmentera de 45,9 MD, passant de 122,4 MD, en 2017 à 168,3 MD en 2018, alors que celui de la Présidence de la République restera pour une fois inchangé mais après plusieurs hausses successives ces dernières années, à 108,5 MD. Quant à l’Assemblée, elle verra son budget passer de 29,4 MD, en 2017, à 30,9 MD, soit une hausse modeste de 1,5 MD.
Le budget du ministère des relations avec les Instances constitutionnelles, de la société civile et des droits de l’Homme connaitra en revanche une importante hausse, en passant de 3,4MD à 7,9 MD.
Autres départements concernés par la hausse, le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance (143,4 MD contre 134 MD), le ministère des Affaires de la Jeunesse et du Sport (633,8 MD contre 547 MD), le ministère des Affaires culturelles (264,5 MD contre 257,6 MD) et le ministère du Tourisme et de l’artisanat (151 MD contre 146,7 MD).
Idem pour le ministère de l’Energie, des mines et des énergies renouvelables dont le budget va doubler : il s’élèvera à 1551, 2 MD contre seulement 700,4 en 2017, le ministère des Affaires locales et de l’environnement (887,4 MD contre 840,5 MD en 2017), le ministère des Affaires religieuses (105, 3 MD contre 99,8 MD) et le ministère de l’Agriculture, des ressources hydraulique et de la pêche (1402 MD contre 1343,2 MD).
L’Emploi, parent pauvre du budget
Surprise, au chapitre des baisses, le projet de budget de l’Etat pour l’année 2018 prévoit une diminution notable du budget de l’Emploi et de la Formation professionnelle qui sera réduit à 672,3 MD en 2018 contre 702, 5 MD, en 2017. Idem pour le ministère des Affaires sociales (1355,3 MD contre 1427,7 MD en 2017). Dans les deux cas, malgré les discours de justice sociale et fiscale, notamment lors du dernier entretien en date de Youssef Chahed, ces baisses respectives traduisent un virage à droite assumé du gouvernement dit d’union.
Surprenante baisse également pour le budget du ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire passant de 1641, 4MD, en 2017, à 1594,4 MD, en 2018, malgré les critiques grandissantes à propos du délabrement de l’infrastructure du pays. Le ministère des Finances enregistre enfin une baisse à 735,7 MD contre 806,9 MD en 2017.
Début octobre courant, la fuite d’un document révélait que le gouvernement Chahed a signé un contrat avec une entreprise de communication allemande, en anticipation des critiques dont va faire l’objet la nouvelle loi de finance, signe que la Kasbah est bien consciente de l’impopularité de sa copie, avant même que le texte ne passe au vote au Parlement. Le tout communication façon Macron peut-il faire recette en Tunisie ? Wait and see.
Seif Soudani