« J’ai voulu décrire le blocus et ses effets au quotidien » – Vivian Petit, auteur de « Retours sur une saison à Gaza »
Vivian Petit, 28 ans, a passé deux mois en 2013 à Gaza où il a enseigné le français à l’université Al-Aqsa. Il est l'auteur du livre "Retours sur une saison à Gaza", récemment sorti aux éditions Scribest, qu'il présentera ce jeudi soir, 2 novembre, à la librairie Résistances* à Paris, à partir de 19h. Rencontre.
LCDL : Pourquoi avoir choisi d'aller à Gaza ?
Vivian Petit : J'étais déjà allé en Palestine (à Jérusalem et en Cisjordanie occupée) en 2009, avec des militants de SUD-Etudiant et l'AFPS (NDLR : Association France Palestine Solidarité). En 2013, après avoir travaillé à Paris pour l'Agence Media Palestine et à Londres pour le Boycott National Committee, j'avais envie de retourner en Palestine.
Comme de nombreuses personnes participant ou ayant participé à des activités du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, je n'étais pas sûr que l'occupant israélien me laisse entrer à Jérusalem ou en Cisjordanie occupée.
J'ai donc préféré aller à Gaza, en passant par l'Egypte. C'était juste après la chute de Moubarak. La frontière avait été ouverte par les Frères musulmans au pouvoir. C'était l'occasion ou jamais. L'occasion de comprendre plus précisément ce que sont un siège et un blocus, de tisser des liens avec des habitants et des associations de Gaza, etc.
Votre livre détonne par le fait que vous avez choisi de mêler analyse et témoignage. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Il me semble que cette forme correspond à ce que je souhaitais décrire : le blocus et ses effets au quotidien, en tentant de comprendre les mécanismes du siège et la volonté israélienne de faire disparaître la Palestine.
Je suis allé à Gaza en 2013, c'est-à-dire en période de « trêve », un an avant le massacre de l'été 2014. J'ai tenu un journal quand j'étais à Gaza. C'est en partie à partir de ces textes que j'ai écrit le livre, en me demandant quelle place tel ou tel événement avait dans l'étouffement continu de Gaza et de ses habitants.
En décrivant ce qu'il se passe à Gaza quand la Palestine ne fait pas la "une" des médias, en expliquant en quoi les bombardements sont le prolongement du siège et des menaces permanentes, mon livre se situe dans une temporalité qui permet de comprendre plus de choses que celles choisies par les grands médias. Eux ne parlent de la Palestine que lorsqu'il y a un massacre, sans en expliquer les origines.
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué à Gaza ?
J'ai été marqué par les effets quotidiens sur les Gazaouis du blocus israélien qui dure depuis 2007, compensés fort heureusement par une certaine résilience de la population qui malgré le fait qu'elle vit dans un espace restreint, continue à aller de l'avant.
Je me souviens par exemple d'un étudiant révisant son Bac à la lumière des réverbères, en passant d'un quartier à l'autre au gré des coupures d'électricité. Malgré les difficultés, les Gazaouis continuent à vivre.
Dans votre livre, vous n'hésitez pas à égratigner les autorités palestiniennes mais aussi à questionner le rôle des ONG …
En Cisjordanie, l'Autorité palestinienne est bien plus un ensemble d'institutions à qui Israël délègue la gestion de certains territoires que l'ossature d'une indépendance prochaine. D'ailleurs, les financements internationaux n'ont fait qu'augmenter à partir de 2001, au moment de la répression de la seconde intifada, quand il est devenu absolument clair qu'il n'y aurait pas d'Etat palestinien à côté d'Israël.
Aussi, il ne faut pas cesser de rappeler que l'une des principales activités de l'Autorité palestinienne est la « coopération sécuritaire » avec Israël, menée contre les Palestiniens des territoires occupés. En parallèle, le discours sur le « processus de paix » sert à faire perdurer la situation, et à justifier les subventions internationales à l'Autorité Palestinienne pour que la situation perdure.
En parallèle de l'intensification de la colonisation, il y a une réelle industrie du processus de paix, dont font partie un certain nombre d'ONG, pour lesquelles il n'y a pas une occupation à combattre mais des subventions internationales à toucher et des institutions avec lesquelles travailler …
Quid du Hamas ?
Je suis atterré quand certains mettent ce mouvement, bien plus complexe qu'on ne le dit, au même niveau que les Talibans ou l'Etat islamique … Et je ne nie pas la légitimité de sa résistance à Israël. Pour autant, il faut aussi constater qu'à Gaza, le Hamas ne soutient que les manifestations populaires dont il peut prendre la tête. Si on regarde au delà des discours, on voit que le Hamas a par exemple été très réservé à propos de la vague de manifestations que certains nomment "troisième Intifada".
Et, puisqu'il faut aussi le dire, il arrive que le Hamas réprime ou menace ses opposants. Je raconte dans le livre ma rencontre avec plusieurs des jeunes qui avaient été menacés, arrêtés ou torturés par la police de Gaza pour avoir organisé les manifestations de 2011 contre Israël, l'Autorité palestinienne et le Hamas, dans la dynamique des printemps arabes.
Nadir Dendoune
*Libraire Résistances à partir de 19h
4 Villa Compoint. 75017 Paris
Métro Guy Moquet ou Brochant, ligne 13 – bus ligne 31, arrêt Davy-Moines.