« En le mettant en prison, Israël veut le faire taire. Le briser », Elsa Lefort, femme de Salah Hamouri emprisonné depuis 100 jours en Israël
100 jours. Cela fait 100 jours aujourd'hui, jeudi 30 novembre, que Salah Hamouri est détenu arbitrairement dans une prison israélienne. L'acharnement à l'encontre de cet avocat franco-palestinien de 32 ans continue.
Après un premier passage dans les geôles israéliennes, long de sept ans (2005-2011), Salah Hamouri a été de nouveau arrêté à son domicile de Jérusalem le 23 août dernier. Un tribunal militaire, illégal au regard du droit international, a décidé de le placer en détention administrative pour une durée de six mois, une peine renouvelable indéfiniment. Les autorités israéliennes lui reprochent d'avoir "renoué avec une "organisation illégale", sans donner plus de précisions.
A ce jour, on ne sait donc toujours pas combien de temps Salah Hamouri va rester en prison. Un rassemblement pour "exiger sa libération immédiate" est prévu ce samedi 2 décembre à 18 h, Place de l'Opéra à Paris.
Sa femme, Elsa Lefort est française. Elle est mariée avec lui depuis juin 2014. Ensemble, ils ont un garçon d'un an. Refoulée d'Israël début 2016, elle vit à Paris loin de son époux. Pour les 100 jours d'emprisonnement de son mari, elle a accepté de répondre à nos questions.
LCDL : Comment va votre mari ?
Sa famille proche a pu lui rendre visite. Il essaie de garder le moral malgré la situation. Il sait qu'à l'extérieur et notamment en France, énormément de gens se mobilisent pour lui afin qu'il puisse sortir de prison et retrouver les siens. Ce sont tous ces témoignages de soutiens qui l'aident à rester fort.
Son arrestation vous a-t-elle surprise ?
Oui et non. Oui parce que même si on s'y attend tous les jours, on espère que ça n'arrivera pas. Non, parce qu'on sait que l'arbitraire israélien peut frapper à chaque instant.
Comment avez-vous appris son arrestation ?
C'est Denise Hamouri, la maman de Salah qui m'a appelée le 23 août à 6h du matin pour m'annoncer la mauvaise nouvelle. Elle avait appris l'arrestation de son fils par des voisins. L'armée israélienne a débarqué en masse au domicile de mon époux alors forcément tout le quartier était au courant. On ne savait pas encore où il avait été emmené et pour quel motif il avait été arrêté. Il a fallu que les avocats de Salah se renseignent. Denise Hamouri a ensuite alerté les autorités françaises à Jérusalem.
Justement, vous sentez-vous soutenus par la France ?
Le consulat général de France à Jérusalem a été réactif et a tout de suite mis en place la protection consulaire. Il y a donc toujours quelqu'un représentant les autorités françaises qui se rend aux audiences judiciaires, enfin quand celles-ci ne se déroulent pas à huis clos. Salah a reçu plusieurs visites du consul et du consul général en prison. Par contre, "plus haut", comme c'est souvent le cas quand il s'agit de dénoncer l'arbitraire israélien, c'est un peu moins "encourageant". Au bout de deux mois d'emprisonnement de Salah , le ministère des Affaires étrangères a fini par "demander" la libération de mon mari. Nous aurions préféré qu'il l'exige ! Nous aimerions surtout que M .Macron appelle le Premier ministre israélien comme il l'a fait avec son homologue turc quand le journaliste Loup Bureau était emprisonné il y a quelques mois en Turquie et comme il le ferait pour n'importe quel autre Français injustement incarcéré dans un pays étranger.
Pourquoi, selon vous, les autorités israéliennes s'acharnent sur votre époux ?
Déjà parce qu'il est palestinien. Et parce qu'il dénonce l'occupation. Depuis très jeune, Salah a toujours milité pour les droits de son peuple. En le mettant en prison, Israël veut le faire taire. Le briser. Aujourd'hui c'est Salah, demain ça sera un autre. Ils veulent le contraindre à quitter sa patrie. Pour eux, un Palestinien de moins, c'est toujours ça de pris. Le but des autorités israéliennes est clair : vider Jérusalem de sa population arabe.
Dans la famille Hamouri, Salah n'est pas le seul à subir l'arbitraire israélien …
Effectivement ! Après avoir été placée dans un centre de rétention pendant 48h, j'ai été refoulée, à ma grande surprise, de l'aéroport de Tel Aviv le 5 janvier 2016 vers la France. Je ne peux pas donc à ce jour retourner vivre à Jérusalem où je résidais pourtant légalement depuis un an et demi. Je travaillais dans un institut rattaché au consulat de France. Mariée à Salah, j'avais fait une demande de regroupement familial. Elle n'a jamais abouti. J'ai donc obtenu un visa dit "de service". C'est l'Etat français qui demande ce genre de visa pour ses employés. Quand ils m'ont refoulée, c'était clairement un affront fait à la France.
Quelles ont été, selon vous, les raisons de votre expulsion ?
Elles sont simples. Les autorités israéliennes savaient que j'étais enceinte. Elles connaissent l'importance d'accoucher à Jérusalem puisque la carte de résident s'obtient à condition qu'on vive sur place. Elles avaient donc tout intérêt à ce que notre enfant ne puisse pas naître à Jérusalem, afin de contraindre Salah à partir, ce qui est bien entendu, hors de question…
Justement, quand vous vous êtes mariés en juin 2014 avec Salah Hamouri, vous attendiez-vous à autant de complications ?
Oui, évidemment. Je savais que la vie n'allait pas être de tout repos ! Notre cas n'est pas un cas isolé. Toutes les familles palestiniennes subissent l'oppression israélienne. Par amour, on est prêt à accepter pas mal de choses. Encore plus quand on sait que l'homme qu'on aime défend une cause juste.
Propos recueillis par Nadir Dendoune
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