Le Giro, un mauvais Tour pour la Palestine

 Le Giro, un mauvais Tour pour la Palestine

THOMAS COEX / AFP


Un mauvais Tour pour la Palestine. Les organisateurs du prochain Giro, ont décidé que le départ de la plus grande course cycliste après le Tour de France, aura lieu depuis Jérusalem-Ouest, la partie israélienne de la ville sainte. 


Organisée officiellement dans la ville sainte en mémoire de l'ex-champion cycliste Gino Bartali, reconnu "Juste parmi les Nations", pour avoir sauvé 800 Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, la course coïncide également avec le 70e anniversaire de la création d'Israël. 



Présenté comme l'un des plus grands événements sportifs jamais accueilli par Israël, le Giro doit donner un coup de fouet au tourisme, comme à l'économie du pays, grâce à la participation des meilleurs coureurs cyclistes du monde, dont Christopher Froome… et tenter d'offrir une respectabilité à un pays de plus en plus critiqué à travers le monde, comparé parfois à un régime d'apartheid. 



Les Palestiniens ont accusé ce vendredi 1er décembre les organisateurs du Tour d'Italie de se rendre "complices de violations" du droit international commises par Israël, en faisant partir de Jérusalem l'édition 2018 de la compétition. "En organisant un tel évènement, Giro d'Italia se rend complice de l'occupation militaire israélienne et de violations flagrantes des lois, des accords et du consensus internationaux", a dit dans un communiqué Hanane Achraoui, une dirigeante de l'Organisation de libération de la Palestine.



"Nous pressons Giro d'Italia de cesser de faire plaisir à Israël aux dépens de nos libertés et de nos droits humains fondamentaux, et de faire courir la compétition hors d'Israël", a-t-elle dit.



Le 101e Tour d'Italie prendra son départ pour la première fois hors d'Europe, avec un prologue prévu le 4 mai 2018 dans les rues de la partie ouest de Jérusalem.



Les Palestiniens en colère, le gouvernement israélien n'a pas été en reste. Il s'était indigné, mercredi 29 novembre, que les organisateurs du Giro, dans leur présentation du parcours de la course, fassent référence à Jérusalem-Ouest, et non pas à Jérusalem tout court.  



"A Jérusalem, la capitale d'Israël, il n'y a pas d'Est ou d'Ouest. Il n'y a qu'un seul Jérusalem unifié", ont lancé les ministres israéliens des Sports, Miri Regev, et celui du Tourisme, Yariv Levin.



Les autorités israéliennes ont reproché aux organisateurs du Giro une "rupture des accords avec le gouvernement israélien", lequel a dépensé, selon les médias locaux, une dizaine de millions d’euros pour accueillir l’événement, entre l’argent versé à la société organisatrice et les frais logistiques et de sécurité particulièrement élevés. Selon l’hebdomadaire spécialisé Cycling Weekly, c’est également Israël qui aurait promis 1 à 2 millions d’euros à Christopher Froome pour qu’il participe au Giro, pour la première fois depuis 2009.



Les autorités israéliennes ont menacé de rompre le partenariat avec le Giro, estimant  que parler de Jérusalem-Ouest implique une coupure entre "ouest" et "est" alors que, selon eux, la ville forme un tout depuis qu'elle a été "réunifiée" avec l'annexion de Jérusalem-Est en 1980.



Jeudi 30 novembre, la page d'accueil du site du Giro avait remplacé "Jérusalem-Ouest" par Jérusalem. 



Pourtant, la communauté internationale n'a jamais validé l'annexion israélienne de la partie orientale (arabe) de la ville sainte survenue après la Guerre des Six Jours en 1967. 



Les représentations diplomatiques sont situées à Tel-Aviv — qui accueillera également une étape du Giro.



Mme Achraoui a accusé le Giro de "plier sous les pressions" israéliennes en "présentant Jérusalem comme une ville unifiée sous souveraineté israélienne". Le Tour d'Italie "ne servira qu'à légitimer l'annexion de Jérusalem et à déformer l'authenticité et le caractère de la ville", a-t-elle dit.



Hasard du calendrier ? Donald Trump s'apprêterait à reconnaître dans les jours à venir Jérusalem comme capitale d'Israël. Il pourrait alors déplacer son ambassade située à Tel Aviv. 



Depuis qu’il a obtenu l’organisation du Giro, Israël le revendique comme le plus grand événement sportif jamais organisé dans le pays. L’Etat hébreu s’attache ces dernières années à accueillir des compétitions, qu’il s’agisse du premier tour du championnat d’Europe de basket cette année ou des prochains championnats d’Europe de judo. Il s’agit d’"une révolution consistant à présenter Israël comme une destination de tourisme et de loisirs", soulignait Yariv Levin, ministre du Tourisme, en septembre.



De son côté, la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP) a appelé le Giro à déménager son grand départ, estimant que la course cycliste contribuait "à dissimuler l’occupation militaire israélienne et ses politiques racistes contre les Palestiniens" et encourageait "l’impunité israélienne".


Nadir Dendoune