Audiences par visioconférence : un pas de plus vers une justice d’exception

 Audiences par visioconférence : un pas de plus vers une justice d’exception


Existerait-il une justice à deux vitesses en France ? Après les ouvertures d'annexes de tribunaux au bord des pistes de l'aéroport de Roissy, un nouveau pas a été fait vers la justice d'exception avec des audiences, non seulement délocalisées, mais également par visioconférences. Les syndicats de magistrats et d'avocats, notamment, dénoncent l'illégalité de ces audiences.


En direct du CRA


Quand le progrès permet de faciliter les audiences en vue d'une expulsion. Selon plusieurs organisations dont le Syndicat de la magistrature, depuis le 4 décembre dernier, quatre personnes sont passées devant les cours d’appel de Toulouse et de Bastia, en visioconférence depuis le centre de rétention administrative (CRA). Une pratique « flirtant » clairement avec l'illégalité puisque dès 2008 « le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ont clairement exclu « l’aménagement spécial d’une salle d’audience dans l’enceinte d’un centre de rétention » ».


 


Publicité des débats


Les magistrats, avocats et autres soutiens des migrants, intervenant régulièrement dans les CRA, rappelle « La publicité est une condition essentielle du droit au procès équitable ». Si les différents juristes concèdent que « l’article L552-12 du Ceseda impose que chacune des deux salles d’audience (celle où se trouve le juge et celle où se trouve la personne retenue) soit ouverte au public » et « A minima, la salle dans laquelle se trouve la personne étrangère doit être ouverte au public ». Or les avocats peuvent avoir des difficultés à accéder aux CRA, tandis que pour toute autre personne, c'est impossible…


 


Ni délocalisation, ni visioconférence, selon le Défenseur des droits


Concernant les salles d'audience délocalisées, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, émettait un avis négatif. Dans un communiqué datant du 10 octobre, ce dernier a adressé ses recommandations à Nicole Belloubet, ministre de la Justice, garde des Sceaux, et Gérard Collomb, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur : « Le Défenseur des droits estime que le droit à une juridiction indépendante et impartiale, la publicité des débats judiciaires et les droits de la défense sont susceptibles d’être gravement compromis par le dispositif procédural actuel (…) ».


Les salles d'audience délocalisées, comme la visioconférence, permettent de réduire les dépenses d'escortes policières vers les tribunaux au détriment d'une justice équitable. Pour le Défenseur des droits, comme pour les intervenants, juridiques et autres, dans les CRA, la justice ne peut pas faire l'impasse sur la publicité des audiences.


CH. Célinain