Marco Barbon : Tanger façon Cinecitta

 Marco Barbon : Tanger façon Cinecitta

Crédit photos : Marco Barbon


MAGAZINE JANVIER 2018


Avec son recueil de photos “The Interzone”, le photographe italien, grand spécialiste du Maroc, transforme la ville du Détroit en une quarantaine de décors dignes du cinéma de Federico Fellini ou de Michelangelo Antonioni. Le livre en mains, on a envie de dire “moteur”. 


“Je suis italien, qui plus est romain, je vis en France et je vais au Maroc depuis que j’ai 20 ans. Une quarantaine de fois en tout, presque plus qu’en Italie.” Cet amour pour le Royaume transparaît dans le travail artistique de Marco Barbon, photographe émérite. Passé par des études d’histoire de l’art en France et en Italie, cet ancien de l’agence Magnum réussit un bel exploit avec son ouvrage The Interzone. Basé sur le premier titre du fameux Festin nu de William Burroughs, Marco Barbon, servi par le texte de l’essayiste Jean-Christophe Bailly, reprend ici à son compte la dimension mythique de Tanger, la ville du Détroit. “Dans cette cité chargée de légendes et de fantasmes, je voulais travailler sur la frontière entre le rêve et l’imaginaire, le réel et la fiction. Tanger est une ville singulière, qui vit dans son passé international, une ville frontière par excellence, entre le sud et le nord, l’est et l’ouest.”



Des lieux qu’il transcende en contrées plus mystérieuses encore : “Je voulais que l’on voie des films, qu’on s’imagine des scènes de romans imaginaires, des fragments qui ouvrent l’imagination. Des vrais décors de cinéma !” Et l’on se croirait en effet plongé dans des plans d’Antonioni, avec ces stores de boutiques baissés, un vieux modèle de téléphone dans un café, dans une salle de projection du cinéma Rif ou dans le parc d’attractions près de la gare ferroviaire. “J’allais dans la ville à des moments particuliers, très tôt, vers six heures du matin, pendant le ramadan, ou le soir. Le but était de capter des espaces vides qui évoquent la fiction, avec des détails qui ouvrent la porte au rêve.”



Une réflexion sur la contemplation du paysage


Pour cette série de photographies réalisée de 2013 à 2017, uniquement sur pellicule et avec peu de retouches, Marco Barbon met aussi en scène quelques personnages dans ses décors. Outre les paysages, une place est parfois donnée à la figure humaine. Au “vivant”, en somme. “J’aime bien qu’ils regardent ailleurs et que l’on se demande ce qui se passe. On peut également apercevoir des gens dans des miroirs, comme des fantômes, ou une jeune fille qui se cache le visage pour qu’on ne puisse pas déterminer ce qui est visible ou invisible.”


 


L’artiste fait aussi la part belle à des endroits mythiques de Tanger : la Villa Harris, le Café Baba ou le théâtre Cervantès dont il nous livre un cliché capté à la lumière du jour, avec un temps de pose assez long. Le photographe n’en est pas à son premier coup d’essai. Il a aussi travaillé au Polaroïd SRL 690 pour évoquer par exemple dans “Asmara Dream”, une suspension du temps et de l’histoire dans la capitale de l’Erythrée. Autre ouvrage indispensable de Marco Barbon : El Bahr, un travail sur des Marocains de toutes catégories sociales et de toutes générations, photographiés de dos le long de la côte marocaine, de Tarfaya jusqu’à Al Hoceima. Une réflexion sur la contemplation du paysage.


 


Quant à The Interzone, on rêve d’un second opus. Et d’y voir défiler des acteurs et des actrices sur ces plateaux de cinéma qui donnent un cachet si parti­culier à la mythique Tanger.



The Interzone, Marco Barbon, éd. Clémentine de la Féronnière, (août 2017), 112 p., broché, 40 €.